C’est une bombe dans l’affaire Assange. Pour faire extrader le fondateur de Wikileaks, le gouvernement US l’a notamment accusé de piratage. Or, le témoin-clé de cette accusation vient de retourner sa veste dans un journal islandais. Pire, le témoin en question serait une taupe rémunérée du FBI qui avait été reconnu coupable d’abus sexuels sur mineurs et de détournement de fonds. Il admet maintenant avoir menti. Pour Edward Snowden, cette révélation marque la fin de l’affaire Assange. (IGA)
e journal islandais Stundin rapporte qu’un témoin clé dans les poursuites américaines contre Julian Assange a admis, dans une interview accordée au média, avoir menti dans des accusations critiques de l’acte d’accusation contre le fondateur de WikiLeaks.
« Un témoin majeur dans l’affaire du Département de la Justice des États-Unis contre Julian Assange a admis avoir falsifié des accusations clés dans l’acte d’accusation contre le fondateur de Wikileaks », rapporte Stundin. « Le témoin, qui a des antécédents documentés de sociopathie et a a été condamné à plusieurs reprises pour abus sexuels sur mineurs et fraude financière de grande envergure, a fait cet aveu dans une interview nouvellement publiée dans Stundin, où il a également avoué avoir poursuivi ses activités délictueuses en série, tout en travaillant avec le Département de la Justice et le FBI moyennant une promesse d’immunité contre des pours
BREAKING: Lead witness in US case against Julian Assange admits to fabricating evidence against him in exchange for a deal with the FBI #Assange https://t.co/kZxsTi62q0
— WikiLeaks (@wikileaks) June 26, 2021
(Tweet : BREAKING : Le témoin principal dans l’affaire américaine contre Julian Assange admet avoir fabriqué des preuves contre lui en échange d’un accord avec le FBI.)
Ce témoin majeur serait l’Islandais Sigurdur « Siggi » Thordarson, une taupe rémunérée du FBI qui, après une association éphémère avec WikiLeaks, a été reconnu coupable d’abus sexuels sur neuf garçons ainsi que de détournement de fonds, de fraude et de vol dans son pays. Un psychiatre appointé par le tribunal a établi un diagnostic de sociopathie.
« Le tribunal a estimé que Thordarson est, dans toutes les définitions du terme, un sociopathe souffrant d’un trouble sévère de la personnalité antisociale. Cependant, le tribunal a estimé qu’il connaissait la différence entre le bien et le mal, qu’il ne pouvait pas être considéré comme fou, et pouvait donc être jugé », avait rapporté Iceland Magazine en 2015, lors de l’affaire d’abus sexuel d’enfants de Thordarson.
Tout cela était de notoriété publique lorsque le gouvernement américain montait son dossier pour extrader Julian Assange vers l’Amérique et le juger en vertu du Patriot Act pour activité journalistique ayant révélé des crimes de guerre américains, un chef d’accusation pour lequel Assange est toujours enfermé à la prison de Belmarsh, en attendant que Washington fasse appel du refus de la demande d’extradition par un tribunal britannique. Et aujourd’hui, nous savons avec certitude que le personnage répugnant dont le témoignage a servi de base à une grande partie de ces poursuites mentait.
« Des responsables américains ont présenté une version actualisée d’un acte d’accusation à son encontre à un tribunal de première instance de Londres l’été dernier », indique Stundin. « La véracité des informations qu’il contient est maintenant directement contredite par le témoin principal, dont le témoignage fonde l’acte d’accusation. »
Ce que cela signifie, c’est que les États-Unis avaient décidé d’ajouter des accusations [de piratage] à leur précédent acte d’accusation, parce que l’inculpation d’un journaliste pour des pratiques journalistiques standard était trop faible en soi, [1] et maintenant cette décision s’est retournée contre eux.
Les auteurs de l’article expliquent que, contrairement aux affirmations de l’acte d’accusation, « Thordarson admet maintenant à Stundin qu’Assange ne lui a jamais demandé de pirater ou d’accéder à des enregistrements téléphoniques de députés » et « admet en outre que l’affirmation selon laquelle Assange lui aurait demandé d’accéder à des ordinateurs afin de trouver des enregistrements de ce type est fausse. »
Judge Baraitser: "he also asked [Thordarson] to hack into computers to obtain information including audio recordings of phone conversations between high-ranking officials, including members of the Parliament, of the government of “NATO country 1”.”
This is false, says Thordarson https://t.co/oDXLARJuGK— Kristinn Hrafnsson (@khrafnsson) June 26, 2021
(Tweet du rédacteur en chef de Wikileaks Kristinn Hrafnsson, « des ordinateurs pour obtenir des informations, notamment des enregistrements audio de conversations téléphoniques entre de hauts fonctionnaires, y compris des membres du Parlement, du gouvernement du « pays de l’OTAN 1″. »
Ceci est faux, dit Thordarson »)
Le témoignage de Thordarson avait été abondamment cité par la magistrate britannique Vanessa Baraitser, lorsqu’elle avait rendu sa décision sur la demande d’extradition qui fait actuellement l’objet d’un appel de la part des USA, et cela semble stupide maintenant que nous savons qu’il était faux. Son jugement reprenait l’affirmation de l’accusation selon laquelle Assange « a demandé à Teenager [code pour Thordarson] de pirater des ordinateurs pour obtenir des informations, y compris des enregistrements audio de conversations téléphoniques entre des fonctionnaires de haut rang, y compris des membres du Parlement », mais Thordarson s’est rétracté.
Alors que le jugement sur la demande d’extradition dit : « Il est allégué que M. Assange et Teenager ont échoué dans une tentative conjointe de décryptage d’un fichier volé dans une banque du ‘pays de l’OTAN 1’ [code pour l’Islande] », Thordarson a déclaré à Stundin que « en fait, cela fait référence à un événement très médiatisé au cours duquel un fichier crypté avait été divulgué à partir d’une banque islandaise. Il était censé contenir des informations sur des prêts non remboursés accordés par la banque islandaise Landsbanki », et que « rien n’étaye l’affirmation selon laquelle ce fichier a même été réellement ‘volé’, car il a été supposé avoir été révélé par des lanceurs d’alerte du personnel de la banque en faillite ».
Alors que le jugement réitère l’affirmation selon laquelle Assange « a utilisé l’accès non autorisé qui lui a été donné par une source, pour accéder à un site web gouvernemental du pays de l’OTAN 1 utilisé pour suivre les véhicules de police », Thordarson a déclaré à Stundin que « Assange n’a jamais demandé un tel accès. »
It should be. https://t.co/PhTi8PIKLJ
— Glenn Greenwald (@ggreenwald) June 26, 2021
(Tweet de Snowden : « Cest la fin du dossier contre Assange »
Réponse de Greenwald : « Comme il se devait »)
Ces révélations sont accablantes.
« C’est la fin du dossier contre Julian Assange », a tweeté le lanceur d’alerte de la NSA Edward Snowden, ajoutant : « Si Biden continue à réclamer l’extradition d’un éditeur sous le coup d’un acte d’accusation plombé de haut en bas par des faux témoignages rétractés par son propre témoin-vedette, les dommages causés à la réputation des États-Unis en matière de liberté de la presse dureraient une génération. C’est incontournable. »
« Il est maintenant l’heure d’ouvrir d’une enquête internationale sur la façon dont la Suède, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Équateur et l’Australie ont géré l’affaire Julian Assange. Mon FOIA démontre que rien n’est normal dans cette affaire », a tweeté la journaliste d’investigation Stefania Maurizi. [2]
Que le gouvernement le plus puissant du monde, avec des ressources essentiellement illimitées, ait eu besoin de bâtir son dossier contre Assange sur le faux témoignage d’un sociopathe diagnostiqué et pédophile condamné en dit long. Cela montre à quel point leur dossier était faible contre un journaliste dont le seul « crime » est d’avoir dit la vérité sur les puissants.
Et ce, après que nous ayons appris qu’Assange et ses avocats ont été espionnés par la CIA, qu’il subit des tortures, que son emprisonnement de facto de sept ans, avant même son séjour de deux ans à Belmarsh était une détention arbitraire et injuste dès le départ, et que le prétexte pour le maintenir en détention était lui-même fallacieux.
C’est une farce. Le fait que cet homme soit derrière des barreaux est un scandale.
Source: Le blog de Caitlin Johnstone
Traduction Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia
Photo : Le « témoin-clé » contre Assange, Thordarson
Notes de la traduction :
[1] « L’inculpation d’un journaliste pour des pratiques journalistiques standard était trop faible en soi ». Effectivement, surtout aux USA, où la loi est particulièrement claire à cet égard. Pour résumer le problème en un court extrait de l’article de Stundin, « Bien que le Département de la Justice ait dépensé des ressources extrêmes pour tenter de monter un dossier contre Julian Assange pendant la présidence Obama, il avait décidé de ne pas l’inculper. La principale préoccupation était ce que l’on appelait « le problème du New York Times », à savoir qu’il était si difficile de faire la différence entre les publications de WikiLeaks et les publications du New York Times sur le même sujet que s’en prendre à l’une des parties poserait de graves problèmes au regard du Premier amendement. »
On peut ajouter ici le texte du Premier amendement de la Constitution US en question : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de ses griefs. »
Pour le gouvernement des USA, la seule solution était donc d’accuser faussement Assange de délits sans rapport avec ses activités de journaliste.
[2] La loi dite « FOIA » (Freedom of information act) peut obliger le gouvernement des USA à déclassifier des dossiers secrets sur décision de justice. En 2020, Stefania Maurizi a ouvert une requête FOIA sur l’affaire Julian Assange auprès d’un tribunal de Washington DC. Elle a été déboutée, mais a fait appel de la décision. L’affaire est toujours en cours.