Laboratoire de Wuhan: comment Trump et ses alliés ont déployé leur théorie du complot

L’idée que le covid-19 est sorti du laboratoire de Wuhan fait son chemin. Alors qu’il passait son temps à critiquer les fake news des médias mainstream, Donald Trump peut compter sur eux pour relayer sa théorie du complot. Et ceux qui ne manquent pas habituellement d’égratigner les tweets mensongers du président US relaient ici l’information sans broncher. Une information pourtant démentie par de nombreux experts et scientifiques à travers le monde. Journalisme orienté, manipulations grossières, sources douteuses… Enquête sur les origines d’une théorie du complot digne des armes de destruction massive en Irak. (IGA)


Alors que le nombre de décès liés au covid-19 a dépassé la barre des 30.000 [fin avril], les alliés du président Donald Trump poussent leur blitz de relations publiques anti-chinois vers de nouveaux sommets d’absurdité, dans l’espoir de légitimer une théorie du complot accusant un laboratoire de recherche biologique chinois d’avoir conçu le nouveau coronavirus.

La théorie indique que l’Institut de Virologie de Wuhan est le coupable de la pandémie, soit par une fuite accidentelle causée par des recherches dangereuses sur les coronavirus des chauves-souris, soit délibérément, par la fabrication d’une arme biologique. Cette théorie du complot avait d’abord été développée en janvier, par un journal de droite, le Washington Times. Mais elle avait alors été rejetée et discréditée par bon nombre de journalistes et de scientifiques.

En avril cependant, l’administration Trump laissait entrevoir qu’elle cherchait désespérément à rejeter la faute de sa gestion inefficace du coronavirus. Fox News et le Washington Post ont alors repêché la fake news des tréfonds humides des conservateurs et l’ont gentiment polie pour la rendre consommable au grand public.

En ce qui concerne la véritable source du Covid-19, la conclusion d’une équipe de chercheurs américains, britanniques et australiens ne pourrait être plus claire: “Nous ne pensons pas qu’un quelconque type de scénario en laboratoire soit plausible…. Nos analyses montrent clairement que le SRAS-CoV-2 n’est pas une construction de laboratoire ou un virus délibérément manipulé“, ont déclaré les virologues dans un article du 17 mars publié dans la revue scientifique Nature.

Un groupe de 27 scientifiques de la santé publique de huit pays a signé une lettre ouverte en mars dans le journal médical du Lancet, apportant son soutien aux scientifiques et aux professionnels de la santé en Chine. Ils “condamnent fermement les théories du complot suggérant que le COVID-19 n’a pas d’origine naturelle.” La lettre indique que les découvertes scientifiques à ce jour “concluent à une écrasante majorité que ce coronavirus est originaire de la faune sauvage, comme l’ont fait tant d’autres agents pathogènes émergents“.

Au cours des quatre dernières années, Trump et ses alliés se sont opposés aux “fake news des grands médias” et à “l’État profond” niché au cœur de la bureaucratie de la sécurité nationale parce qu’ils essayaient de les faire passer pour des agents russes durant la campagne électorale. À présent, Trump utilise la même tactique qu’il a condamnée pour engager un conflit avec la Chine. À travers des responsables américains anonymes et des documents louches, la Maison Blanche sème des fausses nouvelles sur les malversations des Chinois et semble espérer qu’une escalade dans un conflit étranger couvrira ses échecs à domicile.

Le déploiement par Trump de théories du complot sur un laboratoire chinois rappelle non seulement les tactiques que ses adversaires ont utilisées pour nourrir le récit de Russiagate, mais rappelle aussi le succès de la campagne de désinformation que les néoconservateurs de l’administration George W. Bush avaient lancé en fournissant une révélation apparemment explosive sur les armes de destruction irakiennes à la correspondante du New York Time, Judith Miller.

L’auguste réputation du Times avait conféré une légitimité à l’histoire des armes de destruction massive (AMD), permettant à l’administration Bush de vendre l’invasion de l’Irak à pratiquement toute la classe politique, au-delà des lignes partisanes. Miller a finalement été dénoncée pour ses articles frauduleux. Elle est même passée par la case prison pour protéger ses sources parmi les néoconservateurs [dans l’affaire Plame, du nom de l’agent de la CIA dont l’identité avait été révélée, NDLR]. Mais pas avant que des milliers de soldats américains ne soient tués en Irak et que des centaines de milliers d’Irakiens ne meurent dans le chaos qu’ils avaient engendré.

Aujourd’hui, alors que l’administration Trump porte sa propagande de guerre contre la Chine à un nouveau degré inquiétant, un chroniqueur conservateur du Washington Post enfile les chaussures de Miller.

The Washington Post’s Josh Rogin

 

Comment nous sommes passés d’une théorie du complot endormie à une campagne de désinformation du style armes de destruction massive en Irak

La théorie selon laquelle le virus Covid-19 s’est échappé d’un laboratoire de recherche biologique à Wuhan, en Chine, a été relancée le 14 avril dans une chronique douteuse du Washington Post, sous la plume de Josh Rogin. La biographie de cet expert néoconservateur liste son travail effectué à l’ambassade du Japon. Rogin a passé des années à militer pour un changement de régime contre les pays constituant “l’Axe du Mal” du gouvernement Bush.

Vers la fin de son article, Rogin admet: “Nous ne savons pas si le nouveau coronavirus est originaire du laboratoire de Wuhan.” Jusqu’à cette conclusion cependant, Rogin offre toutes les insinuations possibles selon lesquelles le virus était bel et bien sorti de l’Institut de virologie de Wuhan. Son article semblait être une usine de renseignements qui dépendait fortement de documents jetés par des responsables du gouvernement américain désireux de faire monter la température en Chine.

L’hypothèse du chroniqueur du Post reposait en grande partie sur un câble de janvier 2018 de l’ambassade des États-Unis à Pékin qu’il avait innocemment “obtenu”. Le câble a averti que “les travaux du laboratoire (de Wuhan) sur les coronavirus de chauve-souris et leur transmission potentielle à l’humain représentaient un risque de nouvelle pandémie de type SRAS“. Mais comme nous l’expliquerons plus loin, Rogin a déformé la nature de la recherche en question et a par la suite refusé de publier le reste du câble américain lorsqu’il a été pressé de le faire par des scientifiques.

Tout en protégeant sa crédibilité derrière des mises en garde, Rogin s’est tourné vers Xiao Qiang, un activiste militant pour un changement de régime en Chine et soutenu par les États-Unis. Il a été trompeusement identifié comme un “chercheur scientifique” pour affirmer que la théorie du laboratoire de Wuhan était “une question légitime qui doit être étudiée et à laquelle il faut répondre.” Aucun virologue ou épidémiologiste n’a été cité par Rogin.

L’article de Rogin a fait l’objet de critiques acerbes de la part du Dr Angela Rasmussen, virologue de l’Université de Columbia, qui a qualifié ses affirmations sur le laboratoire chinois d’ “extrêmement vagues”. Elle a déclaré qu’il n’avait pas “démontré un risque clair et spécifique“. Mais à ce stade, une opération de désinformation apparemment dirigée par la Maison Blanche battait déjà son plein.

Le 15 avril, le lendemain de la publication de l’article de Rogin, le correspondant conservateur de Fox News, Bret Baier, a publié un article remarquablement similaire qui déclarait: “Il y a une conviction croissante dans le fait que l’épidémie de Covid-19 a probablement son origine dans un laboratoire de Wuhan…

Comme Rogin, Baier n’a présenté aucune preuve concrète pour étayer ses affirmations incendiaires, s’appuyant plutôt sur des “documents classifiés et open source” non spécifiés provenant de “sources américaines” qu’il a admis n’avoir pas personnellement consultées. Ce soir-là, le sénateur républicain archi-conservateur Tom Cotton a lancé une tirade soigneusement chorégraphiée sur Fox News. “Le reportage de Bret Baier montre que le Parti Communiste Chinois est responsable de chaque mort, de chaque emploi perdu, de chaque bas de laine perdu, à cause de ce coronavirus“, a tonné Cotton. “Xi Jinping et ses apparatchiks communistes chinois doivent être obligés d’en payer le prix.”

Le spectacle opportun de l’apparition de Cotton suggère une étroite coordination entre son bureau, l’administration Trump et leurs alliés au sein des médias pour vendre la théorie du complot au grand public. Pendant ce temps, les principaux dirigeants du front libéral anti-Trump ont donné à l’article de Rogin un éclat de respectabilité bipartite.

Après que l’information a été partagée par Yashar Ali, chroniqueur du New York Mahazine, le chronique du New York Times, Charles Blow, a exprimé sa propre stupéfaction devant la chronique soi-disant révélatrice: “Je n’ai pas vu cela arriver.”

Tom Gara de Buzzfeed est allé encore plus loin, proclamant dans un tweet partageant l’article, que la “théorie sur une fuite du laboratoire” était “totalement plausible”. Même le Columbia Journalism Review a écrit que l’article de Rogin “contenait de nouveaux éléments explosifs”, ignorant la réputation bien établie de publiciste du mouvement conservateur que traine le chroniqueur du Washington Post.

L’animateur de MSNBC, Chris Hayes, semble également avoir été dupé par la théorie de Rogin.

Le 17 avril, le secrétaire d’État Mike Pompeo a élevé la théorie sans fondement au niveau mondial lorsqu’il a déclaré: “Nous demandons toujours au Parti Communiste Chinois de permettre aux experts d’entrer dans ce laboratoire de virologie afin que nous puissions déterminer précisément où ce virus a commencé.”

Ce même jour, Trump a déclaré “qu’il semble logique” que le virus ait été fabriqué dans un laboratoire à Wuhan. Comme Cotton et Pompeo, il n’a offert aucune preuve pour soutenir son intuition. À six mois d’une élection présidentielle et au milieu d’une horrible crise de santé publique qui menaçait de plonger l’économie américaine dans une dépression, une théorie du complot marginale était devenue la pièce maîtresse de la guerre culturelle de Trump contre la Chine. En fait, l’histoire est apparue pour la première fois comme un ballon d’essai lancé par un journal de droite en janvier, alors que peu de personnes aux États-Unis accordaient une attention particulière à l’épidémie du Covid à ce moment-là.

 

Les étranges origines de la théorie du laboratoire de Wuhan

C’est le 24 janvier qu’un titre choc a retenti dans les pages du Washington Times, un journal conservateur appartenant à la secte sud-coréenne connue sous le nom de l’Église de l’Unification. “Le coronavirus peut provenir d’un laboratoire lié au programme de guerre biologique de la Chine“, annonçait le journal.

La source de cette affirmation remarquable était un ancien lieutenant-colonel d’une unité de renseignement militaire israélienne nommé Danny Shoham. “Les coronavirus (en particulier le SRAS) ont été étudiés à l’institut et y sont probablement détenus“, faisait remarquer Shoham au Washington Times, en  référence à l’Institut de Virologie de Wuhan.

Shoham a suggéré que “l’infiltration du virus vers l’extérieur pourrait avoir eu lieu soit à partir d’une fuite, soit à partir d’une infection d’une personne à l’intérieur passée inaperçue et qui serait normalement sortie de l’établissement concerné“. Mais il a finalement admis (comme pratiquement tous les autres experts l’ont fait jusqu’à présent): “Jusqu’ici, il n’y a pas de preuves ou d’indications pour un tel incident.

Shoham est actuellement membre du Begin-Sadat Center for Strategic Studies, un centre de recherche lié au Likoud, basé à l’Université israélienne Bar-Ilan. Un regard sur son travail pour l’institut révèle un dévouement clair au programme du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, avec un accent particulier sur la maîtrise de l’Iran et la défense des arguments en faveur d’un changement de régime en Syrie.

Le Centre Begin-Sadate a précédemment exhorté l’Occident à ne pas vaincre l’État Islamique, faisant du groupe djihadiste un “outil utile” pour saper le gouvernement Syrien et l’Iran. Outre Shoham, le Washington Times a cité un rapport diffusé par Radio Free Asia (RFA) insinuant que l’Institut de Virologie du Wuhan aurait pu être la source du Covid-19. Mais l’article ne mentionne pas le rôle de RFA en tant qu’agence de pression du gouvernement américain créée pendant la guerre froide dans le cadre d’un “réseau de propagande mondial construit par la CIA“, selon les propres mots du New York Times.

RFA est géré par l’Agence américaine pour les médias mondiaux (anciennement le Broadcasting Board of Governors), une agence fédérale du gouvernement américain opérant sous la surveillance du Département d’État. Décrivant son travail comme “vital pour les intérêts nationaux des États-Unis“, le principal objectif de l’agence américaine en matière de radiodiffusion est d’être “conforme aux grands objectifs de politique étrangère des États-Unis“.

Larry Klayman, un avocat républicain connu pour son penchant à déposer des plaintes pour nuire à des ennemis politiques, s’est rapidement emparé de l’histoire du Washington Post. Devant un tribunal américain, il a fondé un recours collectif réclamant 20 milliards de dollars à la Chine. Le sénateur Cotton et la néoconservatrice Henry Jackson Society ont depuis également appelé à des actions en justice agressives contre la Chine au sujet du coronavirus.

Quelques jours après l’article du Washington Times, le principal concurrent du journal, le Washington Post, a publié un long article citant des virologues qui réfutaient la théorie selon laquelle le covid-19 avait été fabriqué, témoignant de la qualité de la recherche à l’Institut de Virologie du Wuhan, et versant de l’eau froide sur la théorie selon laquelle le virus aurait pu être une arme biologique.

Le 25 mars, deux mois après la première publication de son article, le Washington Times a ajouté une note éditoriale reniant essentiellement sa thèse: “Depuis que cette histoire a couru“, indique la note, “des scientifiques en dehors de la Chine ont eu la possibilité d’étudier la virus SARS-CoV-2. Ils ont conclu qu’il ne montre aucun signe de fabrication ou de manipulation délibérée dans un laboratoire, bien que l’origine exacte reste trouble. Les experts se demandent s’il a pu s’échapper d’un laboratoire chinois qui l’étudiait.

Le même jour, Danny Shoham a déclaré au journal israélien Haaretz: “Pour l’instant, il n’y a toujours pas de découvertes sans équivoque qui nous disent clairement quelle est la source du virus.

La théorie du complot semblait patauger. Dans une tentative désespérée de relancer deux mois plus tard l’histoire apparemment morte, le gouvernement Trump s’est tourné vers cette même boutique qu’il avait auparavant démystifié: le Washington Post.

 

Faire tourner les câbles du département d’État américain dans de sinistres schémas chinois

La chronique du 14 avril de Josh Rogin du Washington Post, qui a ramené la conspiration du laboratoire de Wuhan d’entre les morts, se lit comme une décharge de documents classique du Département d’État. S’appuyant sur une paire de câbles de deux ans de l’ambassade des États-Unis à Pékin, Rogin a éveillé les soupçons sur de prétendus problèmes de sécurité dans un laboratoire étudiant les coronavirus à l’Institut de virologie de Wuhan.

L’installation chinoise est un laboratoire de niveau de biosécurité 4 (BSL-4), le plus haut standard international de précaution en matière de biosécurité. Des dizaines d’installations BSL-4 sont en service dans le monde – dont 13 aux États-Unis sur la seule année 2013. “L’objectif ultime de la recherche BSL-4“, selon Scientific American, “(est) de progresser vers la prévention et le traitement des maladies mortelles.

Rogin a basé ses allégations de problèmes de sécurité au sein du laboratoire chinois sur un seul et vague commentaire d’un responsable de l’ambassade américaine. Un responsable sans expertise scientifique apparente. “Lors des interactions avec les scientifiques du laboratoire WIV“, indique le câble, “ils ont noté que le nouveau laboratoire manquait sérieusement de techniciens et d’enquêteurs correctement formés pour faire fonctionner en toute sécurité ce laboratoire à haut confinement.

Cependant, la principale conclusion des câbles du département d’État jetés par Rogin sape les affirmations les plus sensationnelles du chroniqueur. Dans les documents en effet, les responsables américains ont mis davantage l’accent sur la valeur des recherches menées dans le laboratoire de Wuhan pour prédire et prévenir les éventuelles épidémies de coronavirus plutôt que sur les problèmes de sécurité.

Plus important encore“, déclare le câble, “les chercheurs ont également montré que divers coronavirus de type SRAS peuvent interagir avec ACE2, le récepteur humain identifié pour le coronavirus du SRAS. Cette découverte suggère fortement que les coronavirus de type SRAS des chauves-souris peuvent être transmis à l’homme pour provoquer des maladies de type SRAS. Du point de vue de la santé publique, cela rend la surveillance continue des coronavirus de type SRAS chez les chauves-souris et l’étude de l’interface animal-humain essentielles à la prévision et à la prévention des épidémies de coronavirus émergentes.”

La doctoresse Angela Rasmussen, virologue et chercheuse associée au Center of Infection and Immunity de la Columbia University School of Public Health, a souligné que le câble “soutient qu’il est important de continuer à travailler sur les CoV des chauves-souris en raison de leur potentiel en tant qu’agents pathogènes humains. Mais le câble ne suggère pas qu’il y avait des problèmes de sécurité liés spécifiquement au travail de WIV sur les CoV de chauves-souris capables d’utiliser l’ACE2 humain comme récepteur.

En fin de compte, Josh Rogin a été forcé d’admettre qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de ses insinuations, concédant dans l’avant-dernier paragraphe de l’article, “Nous ne savons pas si le nouveau coronavirus est originaire du laboratoire de Wuhan.”

Alors que Rogin a affirmé qu’il était “inhabituel” pour les responsables de l’ambassade américaine de visiter le laboratoire de Wuhan, les échanges internationaux sont extrêmement courants, tout comme la collaboration entre les chercheurs américains et chinois. Depuis son ouverture en 2015, WIV a reçu des visites de scientifiques, d’experts en santé et de responsables gouvernementaux de plus d’une douzaine de pays.

L’installation en question, le Laboratoire National de Biosécurité de haut niveau, est le fruit d’une collaboration entre la Chine et la France. Il est certifié par les autorités des deux pays avec les normes de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) en 2016. Depuis 2015, huit délégations de représentants du gouvernement français, des scientifiques et des professionnels de la santé ont visité le laboratoire. Il est important de noter que la France, le pays avec le plus d’expérience et de connaissances du laboratoire de Wuhan autre que la Chine, a fermement rejeté les informations selon lesquelles le nouveau coronavirus provenait de l’installation.

Nous tenons à préciser qu’il n’existe à ce jour aucune preuve factuelle corroborant les récents rapports dans la presse américaine liant les origines de Covid-19 et les travaux du laboratoire P4 (ou BSL-4) de Wuhan, en Chine“, a déclaré un responsable du bureau du président Emmanuel Macron le 18 avril. Selon l’OMS, “beaucoup d’investissements ont été faits dans la formation du personnel“, les chercheurs étant formés aux États-Unis, en France, au Canada et en Australie, puis en interne avant que le laboratoire ne devienne opérationnel. Les chercheurs chinois ont été francs et transparents dans leur protocole de sécurité, publiant, en mai 2019, un aperçu de leur programme de formation pour les utilisateurs de laboratoire dans une publication américaine du CDC sur les maladies infectieuses émergentes.

Non-scientist Xiao Qiang at a gathering of the National Endowment for Democracy, a US government regime change entity originally established by the CIA

 

Le faux «scientifique» de Rogin est un militant du changement de régime soutenu par le gouvernement américain

Au lieu de discuter des questions entourant le WIV avec des experts scientifiques, Rogin a tenté de renforcer ses affirmations en s’appuyant sur les spéculations de responsables de l’administration Trump anonymes et de Xiao Qiang, un activiste anti-chinois soutenu depuis longue date par le gouvernement américain.

Rogin a qualifié Xiao de simple «chercheur scientifique», essayant malhonnêtement de fournir une crédibilité académique au dissident politique professionnel. En fait, Xiao n’a aucune expertise dans aucune science et enseigne des cours sur «l’activisme numérique», «la liberté d’Internet» et «les blogs sur la Chine». De manière révélatrice, Rogin a complètement omis de mentionner le profil de Xiao Qiang en tant que militant anti-chinois.

Depuis plus de 20 ans, Xiao travaille avec et est financé par le National Endowment for Democracy (NED), la principale branche des opérations de changement de régime du gouvernement américain dans les pays ciblés par Washington. La NED a financé et formé des mouvements d’opposition de droite du Venezuela au Nicaragua à Hong Kong, où des éléments séparatistes violents ont passé une grande partie de 2019 à s’activer pour mettre fin au régime chinois.

Xiao a été directeur exécutif de l’ONG basée à New York, Human Rights in China de 1991 à 2002. En tant que bénéficiaire de longue date de la NED, il a été vice-président du comité directeur du Mouvement mondial pour la démocratie, un «réseau de réseaux» international fondé par la NED et «dont la NED fait office de secrétariat». Xiao est également le rédacteur en chef de China Digital Times, une publication qu’il a fondée en 2003 et qui est également financée par la NED.

 

Utiliser des «théories non vérifiées» pour salir une scientifique chinois

Pour suggérer sournoisement que l’Institut de virologie de Wuhan est la source de l’épidémie de Covid-19, Rogin a rectifié le portrait de Shi Zhengli, la cheffe de l’équipe de recherche du WIV étudiant le coronavirus des chauves-souris, pour la dépeindre comme une sorte de savant fou téméraire. Rogin a affirmé que “d’autres scientifiques se demandaient si l’équipe de Shi prenait des risques inutiles” et que “le gouvernement américain avait imposé un moratoire sur le financement” des recherches du type de celles que l’équipe de Shi menait.

Pour confirmer son affirmation, Rogin a cité un article de 2015 dans Nature relatif à un débat sur les risques associés à la création expérimentale d’une version hybride d’un coronavirus de chauve-souris. Pourtant, l’article n’a même pas nommé Shi, se référant plutôt à une étude qui a eu lieu aux États-Unis et non à Wuhan, une étude dirigée par une équipe de chercheurs américains en maladies infectieuses de l’Université de Caroline du Nord. Shi a contribué à l’étude en tant que l’un des 13 co-auteurs, dont 10 ont travaillé dans des universités américaines.

Selon Nature, l’étude dirigée par les États-Unis était “en cours avant le début du moratoire américain, et les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis lui ont permis de procéder alors qu’elle était en cours d’examen par l’agence“.

Craignant que son article ne soit réutilisé par des théoriciens du complot pour suggérer que le coronavirus avait été conçu dans un laboratoire, les rédacteurs de Nature ont placé un avertissement en haut de l’article de mars qui déclarait: “Nous sommes conscients que cette histoire est utilisée comme base de théories non vérifiées selon lesquelles le nouveau coronavirus à l’origine du COVID-19 a été conçu. Rien ne prouve que cela soit vrai; les scientifiques pensent qu’un animal est la source la plus probable du coronavirus “. Dans son zèle à répandre le complot typique de la guerre froide, Rogin a commodément négligé de mentionner l’avertissement.

 

Les scientifiques remettent en question les reportages de Rogin, l’expert s’effondre

Les scientifiques ont critiqué Josh Rogin pour ne pas avoir interviewé des experts et pour s’être appuyé sur de vagues insinuations afin de faire avancer un programme politique.

Le Dr Angela Rasmussen, virologue de l’Université de Columbia, a critiqué les affirmations sensationnelles de Rogin sur les protocoles de sécurité du laboratoire chinois comme “extrêmement vagues”, déclarant qu’il n’avait pas “démontré un risque clair et spécifique”. Le Dr Rasmussen a ensuite compromis Rogin pour avoir représenté de manière inexacte les câbles du Département d’État américain avec des «citations choisies» destinées à soutenir son récit.

Le Dr Stephen Goldstein, un autre virologue et chercheur postdoctoral à la faculté de médecine de l’Université de l’Utah, a accusé Rogin de “multiples lacunes scientifiques substantielles” et de s’appuyer sur des “insinuations non soutenues“. De manière révélatrice, Rogin a rejeté leurs demandes de publier les câbles du département d’État américain dans leur intégralité.

Après avoir été mis au défi par le Dr Rasmussen, le Dr Goldstein et d’autres personnes au sujet de ses rapports irresponsables et de son incapacité à consulter des experts scientifiques, Rogin a affirmé avoir parlé avec des “virologues de haut niveau“, mais a refusé d’expliquer pourquoi il n’a pas inclus les opinions de ces prétendus experts dans son article.

Un article de Forbes du 17 avril du Dr Jason Kindrachuk, professeur adjoint spécialiste des virus pathogènes à l’Université du Manitoba, a également sapé les affirmations de Rogin, affirmant qu’aucune preuve scientifique n’existe pour soutenir la théorie selon laquelle le nouveau coronavirus a fui d’un laboratoire chinois.

 

Une carrière de porteur d’eau pour les militaristes

Alors que d’innombrables journalistes ont été chassés des médias grand public pour contester les récits pro-guerre, Josh Rogin du Washington Post a fait carrière en publiant une propagande néo-conservatrice sensationnaliste et souvent contestée factuellement, mais déguisée en reportage. Après un passage dans un quotidien japonais et à l’ambassade du Japon, Rogin s’est gagné un nom en porteur d’eau pour la Sécurité National des États-Unis. Au Daily Beast, il s’est associé à un autre néocon Eli Lake sur une fausse histoire de 2013 affirmant que la «Légion du Destin» d’al-Qaïda s’était réunie pour une «conférence téléphonique».

Produit évident des fuites alimentées par les extrémistes de la sécurité nationale cherchant à dépeindre Obama comme un faible face au terrorisme, Rogin et Lake ont finalement été contraints de qualifier l ‘”appel” inexistant de “communication non téléphonique” après qu’il eut fait l’objet de moqueries et de critiques de la part d’experts en sécurité nationale.

Deux ans plus tard, Rogin a promu une autre fake news mettant en vedette des photos d’une colonne de chars russes ravitaillant les séparatistes pro-russes en Ukraine. Les photos dataient de plusieurs années et représentaient des chars russes en Ossétie du Sud. La trajectoire ascendante de Rogin l’a conduit du côté de Bloomberg, où lui et son collègue cadre néocon Eli Lake ont été récompensés par 275.000 $ par an afin de continuer à publier la sténographie des partisans d’une politique étrangère dure au Congrès et au Département d’État.

Depuis que Rogin a rejoint le Washington Post, propriété d’Amazon, en 2017, il a fait pression sur l’ancien conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, pour qu’il poursuive son label de «Troïka de la Tyrannie» avec des opérations de changement de régime contre les Etats socialistes d’Amérique latine; il s’est également saisi de l’assassinat du chef de l’État islamique Abu Bakr al-Baghdadi pour appeler Washington à assassiner le président syrien Bashar al-Assad; il a réclamé que les États-Unis soutiennent les milices extrémistes dans la province de Idlib, contrôlée par al-Qaïda, en Syrie; et il a suggéré qu’un ancien fonctionnaire d’Obama devrait être poursuivi devant un tribunal fédéral pour avoir fait du lobbying en faveur de la société de communication privée chinoise Huawei.

Au début d’une croisade longue de plusieurs années destinée à dénigrer la députée Tulsi Gabbard qui avait eu le malheur de s’opposer à la guerre par procuration que les États-Unis menaient en Syrie, Rogin a été contrait de publier un correctif de 70 mots. Il avait accusé Gabbard d’agir comme “le porte-parole d’Assad à Washington.”

Malgré sa longue histoire de gaffes et de rhétorique fiévreuse, Josh Rogin a réussi à faire passer une théorie du complot rejetée par les scientifiques comme de la pure foutaise. Intégré à un journal qui a bâti sa marque sur l’opposition à Trump, il a fourni au gouvernement Trump le support parfait pour diffuser la propagande de la nouvelle guerre froide au grand public. Comme la devise du Post le prévient, «la démocratie meurt dans les ténèbres».

 

Source originale: The Grayzone

Traduit de l’anglais par JL Scarsi pour Investig’Action

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.