Pour dénoncer le manque de soutien de l'ONU, l'ambassadeur israélien a épinglé une étoile jaune à sa veste. (AFP)Pour dénoncer le manque de soutien de l'ONU, l'ambassadeur israélien a épinglé une étoile jaune à sa veste. (AFP)

La propagande magistrale du « jour le plus meurtrier pour les Juifs depuis l’Holocauste »

Thomas Suarez nous explique comment Israël et ses partisans se livrent à un révisionnisme de l’Holocauste pour justifier leur attaque génocidaire contre Gaza.

Le 7 octobre 2023 a été une journée meurtrière pour les habitants du côté israélien de la ligne d’armistice avec Gaza. La plupart des victimes étaient israéliennes (certaines étaient des travailleurs étrangers), et tous les Israéliens étaient vraisemblablement juifs. On peut se demander si, comme le dit la phrase souvent citée, le 7 octobre a été « le jour le plus meurtrier pour les Juifs depuis l’Holocauste » ; mais, partons du principe que c’est le cas, même si le chiffre officiel de 1 200 ne fait pas la distinction entre les civils et les soldats, ni entre les civils tués par le Hamas et ceux qui l’ont été par les Forces de défense d’Israël (Israel Defense Forces / IDF) lors de son opération de sauvetage bâclée.

Le problème de cette phrase n’est pas d’ordre statistique. Le problème est plutôt que le message extérieur de cette complainte n’est qu’un cheval de Troie pour une puissante propagande qui est dissimulée à l’intérieur.

Depuis 75 ans et plus, l’État israélien s’efforce d’éliminer, de la rivière à la mer,1 le plus grand nombre possible de non-Juifs et de soumettre ceux qui restent à l’apartheid. C’est le soi-disant « conflit », dans son intégralité. Mais, cela étant inacceptable dans le monde moderne, Israël doit constamment inverser la réalité, une tâche que les messages cachés du « jour le plus meurtrier depuis l’Holocauste » accomplissent avec brio.

En invoquant l’Holocauste et l’identité juive des victimes, il renforce de façon subliminale et puissante le mensonge selon lequel les Palestiniens sont hostiles aux Israéliens parce qu’ils sont juifs, et selon lequel la percée du Hamas dans le siège, le 7 octobre, était motivée par l’antisémitisme. Cela a pour effet de nous détourner du véritable crime, à savoir qu’Israël a transformé Gaza en un camp de concentration pour les non-Juifs.

Non ! L’objectif était d’enlever des Israéliens parce que, le Hamas étant privé de tout moyen conventionnel d’autodéfense, les otages étaient la seule garantie de négociation à sa portée. Il ne s’agit ni de défendre ni de condamner les actes du Hamas, ni d’essayer de distinguer les atrocités factuelles de la fiction. Il s’agit plutôt de dire que la phrase « le jour le plus meurtrier pour les Juifs depuis l’Holocauste » est une exploitation cynique de ces morts pour renforcer le pouvoir de l’État qui est la cause ultime de toute cette violence.

La référence à l’Holocauste est la continuation d’une tactique sioniste de déshumanisation qui remonte à l’immédiat après-guerre : le transfert systématique de l’identité nazie sur les Palestiniens. En 1948, cela a servi le sionisme en soulageant la conscience de certains Juifs de la guerre qui, ayant survécu à l’Holocauste, étaient maintenant des membres de la Hagana en Palestine, rasant les villages de personnes en raison de l’appartenance ethnique.

Les propagandistes d’aujourd’hui vont plus loin : nous entendons de plus en plus souvent dire que le Hamas n’est pas seulement aussi mauvais que les nazis, mais qu’il est pire. Pour quelle raison ? Selon ce révisionnisme de l’Holocauste, les nazis considéraient leurs crimes comme des crimes, alors que le Hamas ne considère pas ses crimes comme tels. Le Hamas, selon cet argument, c’est comme les nazis, mais sans la prétendue boussole morale des nazis.

Cette tactique de transfert de l’identité nazie sur les Palestiniens est également visible dans la chanson israélienne conçue pour endoctriner les enfants et produite à la suite du 7 octobre ; les Palestiniens, et en particulier les habitants de Gaza, y sont qualifiés de « porteurs de croix gammées ». Pour que le sionisme atteigne son objectif ultime d’un État « racialement pur », les masses israéliennes doivent considérer les Palestiniens comme des sous-hommes, héritiers du nazisme ; et c’est avec les enfants que cet endoctrinement peut démarrer le plus efficacement.

Il y a une dernière part d’ironie cynique dans le « jour le plus meurtrier pour les Juifs depuis l’Holocauste ». La terre adjacente à Gaza, sur laquelle les combattants du Hamas ont progressé, fait en réalité partie de la Palestine selon la partition de l’ONU ; mais, Israël s’en est emparé en 1948 et a forcé la population à s’installer à Gaza — population dont les descendants sont aujourd’hui massacrés. Donc, oui, les victimes étaient juives parce qu’Israël avait nettoyé ethniquement la terre des non-Juifs et avait rempli celle-ci de colons juifs.

Le sionisme a laissé tomber les Juifs pendant leurs jours les plus sombres, en plaçant constamment ses intérêts politiques au-dessus de leur survie et de leur émancipation. Ce n’est pas juste le fait qu’il n’a pas réussi à trouver un refuge en dehors de la Palestine ; mais, c’est qu’il l’a empêché par la force. Et pour terminer, l’État israélien galvaude maintenant la mémoire des victimes du nazisme afin de justifier ses propres crimes raciaux, une tactique dont le « jour le plus meurtrier depuis » est un exemple particulièrement cynique. Derrière ces mots se cache la phrase suivante : « Nous, Israël, sommes le poids moral de l’Holocauste, et ceux qui nous défient sont les héritiers des nazis. »


Source originale: Mondoweiss
Traduit de l’anglais par En dehors de la boîte


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