People take part in a "Palestine Solidarity" march in San Francisco, California, on November 4, 2023. - Thousands of people, both Israeli and Palestinians, have died since October 7, 2023, after Palestinian Hamas militants based in the Gaza Strip, entered southern Israel in a surprise attack leading Israel to declare war on Hamas in Gaza the following day. (Photo by Amy OSBORNE / AFP)AFP

La propagande israélienne et le parti pris des médias occidentaux ont été démasqués à la CIJ

Le procès pour génocide intenté par l’Afrique du Sud auprès de la CIJ est historique à plus d’un titre. Israël est tenu de rendre des comptes publiquement et ses crimes sont exposés objectivement à la face du monde. De quoi faire voler en éclats des mois de propagande sur la guerre en cours et des décennies de récits tronqués sur le conflit israélo-palestinien. (I’A)

Ce mois-ci, le monde a vu l’Afrique du Sud entamer les audiences de la Cour internationale de justice (CIJ) sur les actes génocidaires commis par Israël à Gaza. Au cours d’une session de deux jours, les 11 et 12 janvier, la Cour a entendu les nombreuses preuves que l’équipe juridique sud-africaine avait rassemblées pour étayer son dossier contre Israël, ainsi que la réfutation de l’équipe israélienne.

Ces audiences ont été historiques pour deux raisons. Tout d’abord, l’agression d’Israël contre les Palestiniens dure depuis des décennies, mais c’était la première fois qu’elle était exposée en détail à la face du monde, sans passer par le prisme déformant des médias et des politiques occidentaux. Deuxièmement, c’était également la première fois qu’Israël était tenu de rendre des comptes publiquement au regard du droit international, sans l’habituelle protection de ses bailleurs de fonds occidentaux qui l’ont couvert durant le siècle dernier.

Le caractère sans précédent de ces audiences a attiré l’attention de la communauté internationale. Les médias du monde entier ont largement couvert les débats, souvent en retransmettant en direct les deux présentations. Mais en Occident, une fois de plus, un parti pris anti-palestinien s’est manifesté dans les médias.

Des chaînes comme la BBC ont été accusées de ne pas montrer entièrement la présentation sud-africaine, tout en diffusant davantage la présentation israélienne. Par ailleurs, des journaux étasuniens, canadiens et britanniques ont été sévèrement critiqués pour ne pas avoir rapporté en une cette affaire de la CIJ.

Preuve d’une partialité évidente : les parallèles étaient flagrants entre les principaux points de la défense d’Israël à la Cour – qui reprenaient les grands thèmes bien ancrés de la propagande israélienne – et les reportages des grands médias occidentaux, à quelques exceptions près. De fait, la couverture occidentale de la guerre est biaisée depuis le premier jour.

Le média indépendant The Intercept a effectué un monitoring des trois grands journaux US, à savoir le New York Times, le Washington Post et le Los Angeles Times. Il a constaté que leurs reportages “favorisaient fortement Israël”. Par exemple, ces journaux “mettaient l’accent de manière disproportionnée sur les morts israéliennes dans le conflit et utilisaient un langage émotionnel pour décrire les meurtres d’Israéliens, mais pas pour les Palestiniens ; et ils offraient une couverture déséquilibrée des actes antisémites aux États-Unis, tout en ignorant largement le racisme antimusulman dans le sillage du 7 octobre“.

Selon l’analyse de The Intercept, le terme “slaughter” [massacre ] a été bien plus utilisé pour qualifier les morts israéliens que les morts palestiniens. Le rapport est de 125 pour 2. Pour l’emploi du mot « massacre », le rapport est de 60 pour 1. Le terme « antisémitisme » a été mentionné 549 fois, tandis que le mot « islamophobie » n’a été mentionné que 79 fois[1].

Ce parti pris anti-palestinien de la presse écrite n’est pas singulier. Les auteurs avaient déjà mené une étude sur les télévisions US le mois dernier, elle avait révélé une disparité de traitement encore plus grande. Il existe de nombreuses autres analyses et démonstrations du traitement de faveur accordé par les médias occidentaux à Israël.

Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires occupés, a partagé sur X l’étude de The Intercept tout en posant une question pertinente : « Voilà des mois que les médias occidentaux déforment ou ne rapportent pas le génocide en cours à Gaza et toutes sortes de violations du droit international à l’encontre des Palestiniens. Alors j’ai une question à poser : les journalistes n’ont-ils pas une déontologie et une éthique professionnelle à respecter et pour lesquelles ils doivent rendre des comptes ? »

Pour répondre à sa question : en principe, oui. Mais en pratique, les journalistes, les directeurs et propriétaires de médias opèrent dans un contexte où la plupart des médias occidentaux jouent un rôle central pour perpétuer l’héritage du colonialisme occidental-israélien, de l’apartheid et du génocide contre les Palestiniens.

Par conséquent, la majorité des citoyens et des hommes politiques sont convaincus qu’ils doivent soutenir les politiques israéliennes, même si celles-ci incluent la brutalité coloniale et l’apartheid.

Il n’est pas surprenant que l’opinion publique aux États-Unis et dans la plupart des autres pays occidentaux fût largement rangée du côté d’Israël au détriment des Palestiniens au cours des cinquante dernières années. En effet, les citoyens ont principalement entendu le point de vue israélien qui dominait les médias et les discours des responsables politiques.

Mais au cours des trois derniers mois, la guerre à Gaza a révélé à quel point la propagande d’État israélienne façonne la politique US et le récit dominant des événements dans les médias. Dans un article paru le 18 janvier sur Common Dreams, Norman Solomon, critique des médias et directeur exécutif de l’Institute for Public Accuracy, explique ainsi :

Ce qui est le plus profondément important dans la guerre à Gaza – ce qui arrive réellement à un peuple terrorisé, massacré, mutilé et traumatisé – est resté pratiquement invisible aux yeux du public étasunien… Avec l’aide énorme des médias US et des structures de pouvoir politique, le meurtre de masse en cours – quel que soit le nom qu’on lui donne – a été normalisé, réduit à des petites phrases pour faire le buzz, à un langage diplomatique sournois et à une rhétorique euphémisée. Et c’est exactement ce que veulent les hauts responsables du gouvernement israélien.

Toutefois, le double héritage des partis pris médiatiques et des politiques dysfonctionnelles US n’est plus aussi puissant qu’auparavant. Les réactions de l’opinion mondiale à l’audience de la CIJ sur le génocide l’ont très bien démontré.

Les manifestations mondiales de solidarité avec la Palestine ont révélé qu’Israël, ses protecteurs et leurs perroquets médiatiques occidentaux qui répètent les arguments de propagande israélienne largement discrédités, ne peuvent plus convaincre l’opinion internationale autant que par le passé. Cela est dû aux actions brutales d’Israël, mais aussi à l’évolution du système d’information mondial.

Désormais, le monde voit quotidiennement sur les réseaux sociaux et certains médias alternatifs les actions génocidaires et les politiques d’apartheid d’Israël. Les présentations de la CIJ et les milliers d’articles, de commentaires, de séminaires en ligne, de conférences publiques et d’autres événements organisés dans le monde entier ont mis en lumière ces réalités israélo-palestiniennes.

La modification des flux d’informations a suscité de vives inquiétudes à Washington et à Tel-Aviv, car les citoyens honnêtes et épris de justice rejettent le fervent soutien des États-Unis à la brutalité militaire d’Israël – et nombre d’entre eux affirment qu’ils ne voteront probablement pas pour “Joe le génocidaire” Biden lors de l’élection présidentielle de novembre prochain. C’est ce qui se passe lorsque des citoyens ordinaires découvrent pour la première fois dans son entièreté l’histoire des événements en Palestine.

Aux États-Unis, un récent sondage confirme que les électeurs sont plus enclins à voter pour des candidats qui ont soutenu un cessez-le-feu avec une marge de 2 contre 1 (51% contre 23%). Parmi les jeunes et les électeurs non blancs, essentiels à la victoire des Démocrates, ils sont entre 56 et 60% à déclarer qu’ils soutiendraient les partisans du cessez-le-feu.

De plus, la prise de conscience croissante de ce qui se passe en Israël-Palestine a un impact bien au-delà de la seule politique US. Comme l’a souligné le journaliste sud-africain Tony Karon dans un article paru dans The Nation le 11 janvier : “Israël mène une guerre coloniale classique pour pacifier une population autochtone qui résiste à la colonisation – et cela survient à un moment où une grande partie de la population mondiale demande des comptes pour des siècles de violence et d’asservissement occidentaux, réclamant la justice et un rééquilibrage des rapports de pouvoir à l’échelle mondiale. La défense de la Palestine est devenue l’expression de cette lutte globale pour changer la façon dont le monde est gouverné“.

En effet, l’intense soutien mondial pour la Palestine a atteint son apogée avec cette plainte déposée à la CIJ et symbolise le défi lancé par le Sud global à l’hégémonie politique et économique du Nord. Les peuples du monde entier affirment qu’ils soutiennent la justice et qu’ils continueront de résister aux forces coloniales occidentales qui ont ravagé de nombreuses sociétés au cours du dernier demi-millénaire.


Source originale : Al Jazeera
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action


[1] Rappelons qu’aux États-Unis, un enfant américano-palestinien de six ans a été poignardé à mort à cause de ses origines. [NdT]

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