Israël sera-t-il condamné pour génocide ?

Devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), les avocats de l'Afrique du Sud ont exposé preuves et arguments accablant Israël. La saisine sud-africaine vise à la fois à faire condamner l’État colonialiste pour « intention génocidaire » mais aussi à obtenir une base juridique contraignante pour que cesse enfin le massacre de masse à Gaza.

Il est d’abord essentiel de ne pas confondre la CPI (Cour Pénale Internationale) avec la CIJ (Cour Internationale de Justice), des juridictions toutes deux établies à la Haye (Pays-bas).

Fondée en 2002, la première Cour est un tribunal international qui peut être saisi en en l’absence de saisine d’un tribunal national. La CPI juge d’affaires pénales et peut condamner un ou plusieurs individus pour « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide ». Précisons ici que les États-Unis, la Russie et Israël n’en sont pas membres et n’ont pas reconnu la CPI.

La Cour Internationale de Justice (CIJ), quant à elle, est la plus haute juridiction des Nations-Unies. Elle est chargée de trancher les différends et oppositions entre États-membres. Les pays membres de l’ONU sont tous membres de la CIJ. Cette Cour est composée de 15 juges élus (pour un mandat de neuf ans) par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Une des missions de la CIJ consiste à examiner les litiges liés à la Convention sur le génocide de 1948. Une Convention adoptée suite au génocide juif perpétré par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Précisions ici qu’Israël, l’Afrique du Sud, la Russie et les États-Unis font partie des 153 pays qui ont ratifié cette Convention.


Intention génocidaire


A l’appui d’un document de 84 pages, l’Afrique du Sud a défendu, jeudi, que les opérations meurtrières d’Israël, menées depuis plus de trois mois, « sont de nature génocidaire et cherchent à provoquer la destruction d’une partie substantielle » des Palestiniens à Gaza.

Les avocats sud-africains ont rappelé que les actes de génocide comprennent le meurtre de civils palestiniens, le fait de causer de graves dommages physiques et mentaux et d’infliger délibérément des conditions visant à « provoquer leur destruction physique en tant que groupe ». Il a donc été mentionné la destruction des hôpitaux, des ambulances, les coupures d’électricité et de communication, la famine organisée par privation d’aides humanitaires ou encore l’imposition de mesures visant à empêcher les naissances chez les Palestiniens de Gaza.

Parallèlement, les avocats ont dénoncé une série de déclarations publiques des responsables politiques israéliens comme contenant des intentions génocidaires à l’encontre des Palestiniens, en tant que groupe humain.

Après cette première journée d’audience, existe-t-il une chance que l’État colonial et d’apartheid soit reconnu coupable de « génocide et de violation de la convention des Nations unies sur le génocide », du fait de ses opérations criminelles ininterrompues dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre ?

Difficile, à ce stade, de répondre à cette question. Même si peu croient dans les chances d’aboutir de la plainte sud-africaine face à l’interminable impunité d’Israël… D’abord, La CIJ ne devrait se déclarer compétente, puis trancher sur le fond, qu’après 3 à 5 ans d’enquête. Néanmoins, d’ici environ un mois, l’institution internationale a annoncé qu’elle pourrait prendre l’une ou l’autre décision « urgente ». Comme, par exemple, l’exigence d’un cessez-le-feu ou l’établissement d’un corridor humanitaire permanent. Des décisions qui seraient donc contraignantes pour Israël. Cependant, sur le terrain et pour le moment, seul le Conseil de Sécurité (paralysé par l’inamovible veto pro-israélien des USA) aurait la capacité de concrétiser par la force la décision judiciaire internationale…


Un verdict de culpabilité révolutionnaire


Sur les antennes de la BBC, Juliette McIntyre, professeur et juriste australienne, a assuré que la plainte de l’Afrique du Sud était « très complète et conçue avec beaucoup de soin ». Cette procédure cherche « à répondre à tous les arguments potentiels d’Israël comme à toute affirmation selon laquelle la Cour pourrait manquer de compétence », a ajouté l’enseignante universitaire.

Pour sa part, Susan Akram, professeure à la faculté de droit de l’université de Boston, a déclaré au micro de l’agence Anadolu : « Il n’y a jamais eu de décision de la plus haute cour du monde déclarant Israël responsable de crimes de guerre, et encore moins de crimes contre l’humanité ou de génocide. Un verdict de culpabilité serait révolutionnaire, quelle que soit la réponse d’Israël ».

Et l’universitaire nord-américaine d’ajouter : « C’est à ce moment-là qu’il sera important de faire pression sur chaque État membre de l’ONU pour qu’il prenne toute une série de mesures, (comme) mettre fin aux relations diplomatiques avec Israël, imposer des sanctions aux responsables israéliens qui se livrent au génocide, engager des poursuites pénales devant leurs propres tribunaux nationaux et émettre des mandats d’arrêt contre les auteurs israéliens de ces crime ».

Le monde devrait avoir honte


Dans la plainte sud-africaine à la CIJ, il y a en effet la volonté que la plus haute juridiction des Nations Unies mette un terme aux attaques militaires israéliennes sur Gaza, dont le bilan des victimes civiles dépasse désormais les 23 000 morts…

Durant trois heures et demie, entre autres vérités, que trop peu de pays ont le courage politique de défendre à travers le monde, les avocats sud-africains ont avancé celles-ci :

  1. « Israël a transformé Gaza en un camp de concentration où un génocide est en cours.»
  2. « Les actes et omissions génocidaires de l’État d’Israël s’inscrivent inévitablement dans un continuum d’actes illégaux perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948. »
  3. « Les droits des Palestiniens sont aussi importants que ceux d’autres groupes qui ont été protégés par le passé ».
  4. « Des morts sont laissés sur place, certains sont mangés par des animaux. Il faut mettre un terme à la décimation des habitants de Gaza. »
  5. « Il s’agit du premier génocide dont les victimes documentent leur propre destruction en direct. Gaza représente un échec moral. Cet échec aura des répercussions, non seulement sur les Gazaouis, mais sur les générations à venir. Le monde devrait avoir honte. »


Ce vendredi 12 janvier, devant de la Cour Internationale de Justice, ce sera le tour des avocats d’Israël de présenter leurs « arguments » juridiques pour tenter, une fois de plus, de justifier l’injustifiable.


Olivier Mukuna

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