Oxford, lieu sacré de la Science ? Plus aujourd’hui, nous dira Yash Tandon. Lui qui a travaillé un quart de siècle en milieu rural au Zimbabwe ressent l’atmosphère académique de cette ville anglaise comme opprimante. En sortant de la gare, le visiteur est immédiatement confronté à un temple de la pensée unique, une business school à la façade austère. Tandon, né en Ouganda, a dû s’exiler à plusieurs reprises. Riche de ces expériences, il est aujourd’hui incontestablement un des meilleurs analystes de l’instrumentalisation du commerce en Afrique par les occidentaux. C’est le sujet de Trade is War, publié en 2014 et traduit en Français sous le titre Le commerce, c’est la guerre. Nous l’avons rencontré chez lui pour un entretien sur l’offensive que l’Union européenne (UE) mène contre le continent africain, mais aussi sur la position de l’intellectuel dans la société.
Raf Custers : Quelle est votre expérience la plus récente ?
Yash Tandon (YT) –Les pays africains sont en train de négocier l’Accord de Partenariat économique (APE) avec l’UE. Et mon expérience la plus récente est qu’ils ne disent pas toute la vérité.
De quels pays s’agit-il ?
YT – La Commission européenne. En novembre-décembre 2014, au moment où je terminais mon livre « Le commerce, c’est la guerre », ils ont fait apparaître dans les médias que l’accord avait été signé pour la région de l’Afrique de l’Est. La Communauté d’Afrique de l’Est se compose de cinq pays : l’Ouganda dont je suis originaire, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi. Maintenant, les médias ne sont pas libres, même pas dans vos pays. Si je tente de publier un article dans un média à Nairobi, au Kenya, il ne paraitra pas. Pourquoi ? Parce que les médias sont devenus pauvres, il leur faut un soutien financier avant qu’ils ne publient nos articles. Les papiers du Délégué européen à Nairobi, qui est bien financé paraissent car il achète l’espace. Alors, quand on m’a dit que l’accord avait été signé, j’ai fait des recherches et trouvé les bureaucrates à Bruxelles qui l’avaient signé. Ça change tout. Nos bureaucrates à Bruxelles sont compromis. Ils vivent dans une maison qui appartient au gouvernement belge et obtiennent des per diem de la Commission européenne.
Est-ce le Secrétariat des pays ACP (l’Afrique, les Caraïbes et l’Océan pacifique) ?
YT – C’est bien cela. Certains de ces bureaucrates sont très bons, mais la plupart d’entre eux sont compromis. Je les connais bien. Parce que je suis engagé dans cette bataille depuis les années 1970. Qu’ils aient signé ne m’a pas surpris. Mais les conséquences se feront sentir lorsque cet accord devra être signé dans nos pays par les ministres d’abord, puis par nos chefs d’État.
Mon expérience la plus récente est que les responsables de la Commission européenne sont totalement malhonnêtes. Leurs mensonges sont la base de leur diplomatie. Et si nous ne restons pas vigilants, nous sommes trompés par ce genre de pratiques. Nous n’avons pas accès aux médias. Mais, personnellement, je jouis d’un peu d’espace politique en Afrique orientale. Je rencontre des chefs d’État et leur dis la vérité « ils ne doivent pas signer ces accords qui ne nous apportent rien ».
Or, la dernière nouvelle est tombée cette semaine. Ils ont nettoyé le texte. Il leur a fallu plus d’un an pour le faire. Ils le traduisent maintenant en 25 langues européennes et en swahili. La signature finale n’est pas pour bientôt. J’espère donc avoir mis en garde les décideurs et le faire encore en temps utile.
Avez-vous vu ce texte “nettoyé” ?
YT – Pas encore. Je viens de l’apprendre.
Est-ce bon signe ?
YT – Non, cela veut dire qu’ils vont le rendre encore plus dur pour nous … Le problème est que nos pays sont trop dépendants de l’aide. Voilà où notre faiblesse réside. Il faut bien voir que l’Europe est dans une crise grave. Ce contexte permet l’utilisation de l’aide comme une arme. Ils tendent la main aux chefs d’État. Ils achètent l’espace dans nos médias. Ce sont des méthodes de corruption. Mais : ils n’ont pas le choix. Ils sont également pris dans une situation asymétrique avec le TTIP qui leur portera préjudice dans leur propre pays. Donc, ils sont sur la défensive, avec l’Amérique, et contre nous. Tel est le dilemme.
Diplomatie économique
La diplomatie économique est une chose assez nouvelle. Elle fait son apparition depuis 2010-11, peu après la crise financière et économique. Voyez-vous des changements dans le comportement des institutions européennes ?
YT – Oui. Surtout en termes quantitatifs, et non qualitatifs ! En d’autres termes : cela n’a pas beaucoup changé. Je me rappelle des négociations à Dar es Salam en 1976 sur la Convention de Lomé. Ils avaient leurs discussions dans un hôtel. Les pays ACP avaient déterminé une bonne position. Le groupe était présidé par Schridath Ramphal des Indes occidentales, un très bon diplomate, très engagé. Mais les Européens ont, de nouveau, utilisé l’arme de l’aide pour nous faire signer. Et nos pays sont fragmentés, divisés en pays francophones, anglophones, caraïbéens du Pacifique. L’Europe a toujours divisé pour régner. Mais aujourd’hui, ils sont devenus beaucoup plus agressifs, parce qu’ils sont sur la défensive.
Ils mènent une guerre, pour reprendre vos termes, mais l’armée n’est-elle pas en pleine expansion ? Vous avez parlé de la Commission, mais il y a aussi le service des relations extérieures, il y a les États membres agissant pour leur propre bénéfice. Coordonnent-ils parfois les actions ?
YT -Le délégué de l’UE à Nairobi reçoit son mandat directement de la Commission européenne. Les pays membres donnent carte blanche à la Commission pour négocier le commerce. Ils ne s’en soucient pas. J’ai, depuis des années, essayé de sensibiliser les députés en Grande-Bretagne. Mais très peu d’entre eux sont intéressés. Mon impression est qu’ils ne se sentent absolument pas concernés.
Est-ce parce qu’ils sont certains qu’ils bénéficieront de ce que la Commission européenne fait ?
YT – Bien sûr. Cela a été un de mes messages principaux dans les réunions de ces 15 derniers mois en Europe. Mais, vous savez : je suis déçu par la gauche européenne. Elle ne se soucie pas du tout de l’Afrique. Du coup, ironiquement, je suis satisfait qu’elle se trouve devant la signature du TTIP. Ça la réveille ! Elle commence à éprouver les conditionnalités que les Américains imposent. Elle commence à comprendre ce qui est arrivé à la Grèce quand ils ont imposé les mesures d’austérité. Maintenant, la gauche européenne sait. Mais pendant 30 ans, l’Afrique a fait l’objet de programmes d’ajustement structurel, de conditionnalités, de programmes d’austérité. Et la gauche européenne, à part un cercle très restreint, ne nous a jamais défendus. Je suis donc satisfait qu’elle se retrouve dans la même situation maintenant.
Pour être franc, il existe un racisme inconscient dans la gauche européenne. Elle pense être la seule à pouvoir articuler une position marxiste ou à gauche, comme si les Africains ne pouvaient pas le faire. C’est archifaux. Pour citer un seul exemple : l’un des meilleurs ouvrages sur l’argent et la monnaie a été écrit par mon ami Dani Wadada Nabudere, mort il y a deux ans . Comment se fait-il que, depuis 30 ans, si peu de gens à gauche ont pris la peine de savoir ce qui se passe avec les négociations ACP ? En fait, ils ont un sentiment de supériorité. Je suis sérieux. Et cela a des effets graves sur leur façon de penser et sur leur analyse de l’Afrique.
L’UE et Cotonou : fragmenter les pays ACP
Les accords de Cotonou vont-ils être changés ?
YT – Oui, ils doivent être conclus en 2020.
Où est-ce que cela vous conduit, nous conduit ?
YT – Cotonou était censé être un accord entre l’UE et les pays ACP, c’est-à-dire l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Au fil du temps, l’UE a démantelé l’ACP. Elle l’a fragmenté en régions : Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est, et ainsi de suite. La communauté de l’Afrique australe, la SADC a été fragmentée à son tour. Ils ont fait un accord séparé avec l’Afrique du Sud, qui est membre de la SADC et les autres pays de la région, le Swaziland, le Botswana, ont dû suivre. En Afrique de l’Est, ils ont dit que le Kenya n’est pas un Pays Moins Avancé (PMA). Ceci relève de la nomenclature des Nations Unies, c’est un concept qui n’a pas de signification réelle parce que les gens au Kenya sont aussi pauvres que ceux en Ouganda. Cette tactique a partiellement fonctionné. Par exemple, le Kenya qui exporte des fleurs vers l’Europe n’a pas voulu être désavantagé par rapport au Costa Rica, autre exportateur de fleurs.
Cotonou, négocié au siècle dernier, vient à sa fin en 2020. Mais, la Commission européenne veut signer un nouvel accord bien avant son terme. Karel De Gucht, le commissaire qui était en charge du commerce a voulu signer avant qu’il ne termine son mandat en 2014. Il a fait une forte pression en ce sens. Heureusement, il est parti. Je ne sais pas dans quelle direction nous allons. Mais avec notre organisation SEATINI, nous sommes parmi les rares qui tentons d’avoir encore notre mot à dire. Beaucoup d’ONG, en Afrique, ont été achetées par la Commission européenne.
De quelle manière ?
YT – Eh bien, ils font maintenant un travail de consultance grassement payé pour la Commission européenne. Ils écrivent des articles en faveur de la signature d’un nouvel accord.
Comment savez-vous que Karel De Gucht a fait pression pour arriver à un nouvel accord de Cotonou avant son départ ?
YT – Parce que nous surveillons ce qui se passe.
Comment surveillez-vous ?
YT – Avec mon organisation SEATINI, nous avons des bureaux au Kenya, en Ouganda, au Zimbabwe, en Afrique du Sud. [2] J’ai créé SEATINI après la conférence de Singapour, la première conférence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à laquelle j’ai participé. Elle m’a ouvert les yeux. Les délégations africaines ne savaient pas ce qui se passait dans les coulisses. Elles étaient complètement marginalisées. Je suis rentré, et me suis dit : nous devons nous spécialiser dans le commerce. C’était en décembre 1996. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) nous a financés au début. Mais j’ai refusé l’aide des Britanniques. Ils étaient prêts à donner 3 millions de livres à l’Université du Zimbabwe à condition que nous ne fassions pas de la formation. Or, former des spécialistes, c’était notre objectif.
Si SEATINI est votre observatoire, quelles sont vos sources ?
YT – Nos sources viennent du terrain, de nos bureaux des différents pays. Ensemble, nous avons bloqué par exemple la mission du Commissaire De Gucht en Tanzanie.
Vous en parlez dans votre livre, comme s’il s’agissait de 3 jours de guérilla…
YT – … absolument. De Gucht a débarqué avec un accord dans sa poche et il était sûr que nos ministres allaient signer. Mais nous avons monté une guérilla, une guérilla non violente …
… on dirait : une guérilla de l’absence ?
YT – Je m’explique : je me suis rendu en Tanzanie où j’ai parlé avec le président. Le président de l’Ouganda était occupé, je ne pouvais pas le voir. Notre organisation a alors commencé un travail de plaidoyer à l’assemblée des parlementaires d’Afrique de l’Est. Elle a passé une résolution qui désapprouvait le texte que Karel De Gucht allait nous soumettre. Lorsque les ministres sont venus, le Commissaire européen était sûr que tout était arrangé. Mais, les ministres ont dit : notre assemblée a adopté une résolution, nous ne pouvons pas signer. Vous voyez : ceci est une autre duplicité. Les politiciens et les fonctionnaires européens parlent de « déficit démocratique » dans nos pays, mais, en Afrique, ils ne respectent pas la démocratie. Ils n’ont aucun respect pour les parlements. Ils vont tout simplement voir les chefs d’État pour régler leurs affaires. C’est d’une hypocrisie complète. Donc, Karel De Gucht a déclaré : je vais téléphoner au président … Son secrétaire a répondu : il n’est pas là ! (Éclat de rire)
De Gucht est reparti dans quel état d’esprit ?
YT – Je pense qu’il ne m’apprécie guère. Mais, il n’y a pas de quoi rire. Parce que Cotonou a pris fin. Ils ont mis l’Afrique dans leurs poches. Nous sommes donc très vigilants. Ce sont des batailles ou des guerres à mener sur le terrain, au quotidien, pas dans le milieu universitaire, non ! Comme Napoléon sur son cheval qui voit ce qui se passe et change sa tactique continuellement. Voilà où il faut être, et tout le temps vigilant.
Certains n’approuvent probablement pas que vous vous asseyiez avec des présidents.
YT – C’est exact. Certains me demandent comment je peux parler avec des gouvernements qu’ils caractérisent comme étant néo-coloniaux. Je réponds : quelles solutions me proposez-vous pour obtenir des résultats ? C’est une chose que j’ai apprise de mon travail avec la population, avec les femmes surtout. Très tôt, j’ai décidé qu’une carrière universitaire n’était pas la bonne voie pour moi. Je suis allé à la campagne. J’ai compris que c’est une lutte très lente, qui prend toute ma vie et s’étend au-delà de ma vie. Au plan idéologique, je suis critiqué par une ultra-gauche, dont je ne partage pas les arguments.
Secrets et preuves
Vous écrivez que les choses se passent tout le temps en secret et sont invisibles. Mais comment convaincre vos gouvernements ? Il leur faut des preuves, non ?
YT – C’est vrai. Les fois où j’ai rencontré la Commission européenne, ils ne prenaient pas de notes. Ceci est probablement une expression d’arrogance. Je ne sais pas ce qui se passe entre eux, les différentes sections de l’UE, leurs départements, les intérêts des entreprises… Mais nous avons assez d’intelligence, pour savoir ce qui se cache derrière leurs pensées et leur diplomatie. Nous pouvons faire nos propres calculs. Nous avons aussi des preuves empiriques, souvent indirectes.
Quand j’étais jeune en Ouganda, par exemple, il y avait 6-7 usines de textiles. Je portais des vêtements fabriqués dans mon pays. Aujourd’hui, pas une seule usine n’a survécu, parce que nous avons démantelé toute protection. On me dit parfois : mais, le marché libre, c’est une bonne chose. Non, ce n’est pas une bonne chose. Si vous ne protégez pas la fabrication, comment industrialiser ? On me dit aussi : si les autres réduisent les subventions, nous pourrons exporter nos biens. Mais nous n’avons plus rien à exporter. J’avoue que ce sont des sujets extrêmement techniques, et il n’est pas facile pour les politiques d’obtenir des détails. Je m’explique. Les Européens et les Américains ont déplacé leurs subventions qui ont des effets de distorsion des échanges commerciaux (celles de catégories bleue et orange), vers celles qui sont autorisées par l’OMC (de catégorie verte). Et ils disent ensuite qu’ils ont enlevé les effets de distorsion du commerce. Mais, si vous regardez de plus près, vous voyez qu’ils ont simplement modifié les couleurs. Ils subventionnent toujours l’agriculture, si bien que les agriculteurs reçoivent de toute façon des subventions, qu’ils soient concurrentiels ou pas. Et puis ils jettent ces marchandises sur les marchés africains. Nous recevons des cuisses de poulet de la Belgique, des grands haricots de l’Europe. Venant de l’extérieur, je peux me permettre de dire ces choses chez nous. Mais voilà pourquoi nous avons besoin de démocratie, de liberté d’expression, de ministres assez audacieux pour dire aux chefs d’État les réalités. Quand les gens ont peur, ils ne s’expriment pas.
Retournez-vous parfois à l’endroit où vous êtes né ?
YT – Oui, j’ai été élevé dans la région de Karamoja, dans le Nord-Est de l’Ouganda, proche du Soudan. Je n’y ai pas de famille, ma famille a été expulsée par le président Amin. Mais j’y vais de temps en temps …
Cette région a-t-elle changé ?
YT – Oui, pour le pire. Mon village, Kaberamaido, a pratiquement disparu. Puis Karamoja subit une guerre sans relâche, pour le bétail, entre autres. La situation est très mauvaise. C’est triste. C’est encore pire aujourd’hui qu’au moment de l’indépendance, il y a 50 ans.
Vous accordez une grande importance à ce que vous appelez le ‘grassrooting’. D’où vient cette idée ?
YT – Pour moi, les conditions objectives pour une révolution en Afrique sont mûres depuis longtemps. La situation est terrible. L’Afrique a besoin de révolution. Les populations vivent dans la souffrance. Mais, les gens n’ont pas le temps. Leur conscience ne se traduit pas en stratégie cohérente. Nous, de notre côté, partons de l’hypothèse que nos idées sont correctes, on ne peut pas faire autrement, mais c’est l’expérience sur le terrain qui les teste. Il fallait donc retourner vers nos populations. C’est ce que j’appelle le grassrooting. Je vivais au Zimbabwe à l’époque et j’ai décidé que je devais aller travailler dans les zones rurales. Ma femme et moi avons donc fait ce travail, ensemble pendant 23 ans, de 1980 jusqu’en 2004. Puis, tous nos efforts dans les zones rurales ont été emportés par les mesures du FMI, de la Banque mondiale, tout comme c’est le cas en Grèce aujourd’hui. Tous nos efforts ont été gaspillés.
Les concepts sont des pièges
Vous donnez beaucoup d’importance à la signification, au sens exact des mots. Mais comment faites-vous ? Parce que vous vous confrontez à une machine qui produit du sens tout le temps.
YT – Les concepts sont des pièges. Le vocabulaire vient essentiellement de la pensée idéologique occidentale. Nous n’avons d’autre choix que de l’utiliser. Mais en l’utilisant, il faut redéfinir ce vocabulaire tout le temps, en le contextualisant dans votre situation. Voilà ce que je tente de faire. Et je justifie parfois ce que je fais. Certains écrits de Lénine par exemple sont très bons sur cette question. Ou Nkrumah pour l’Afrique qui a utilisé l’idée du néo-colonialisme.
Pouvez-vous me donner un exemple d’un concept occidental que vous redéfinissez, que vous transformez ?
YT – Absolument. Que signifie le libre-échange ? Que tout est gratuit ? J’explique dans mon livre que le commerce n’a jamais été libre. Je suis allé à la London School of Economics (LSE) pour apprendre l’économie. Et la première leçon que j’ai reçue était : si vous appliquez le marché, le libre-échange, vous aurez un avantage comparatif. J’écoutais le professeur, j’étais jeune, j’avais 17 ans, mais je savais que ce n’était pas vrai. En Ouganda qui était encore une colonie à l’époque, il n’y avait pas de marché ; les Britanniques décident des prix tout le temps, de ce que nous vendons, comme de ce que nous achetons. Il n’y a pas de marché ! Depuis lors, je ne crois pas en ce concept de libre-échange.
On m’a proposé de faire un doctorat en économie. J’ai dit : “Non merci ! Pas en économie, c’est une idéologie”. Je voulais comprendre ce qui se passe dans le monde et j’ai donc fait un doctorat en Relations internationales. À Oxford, où je vis maintenant, les sciences humaines sont réactionnaires. En fait, le néo-libéralisme est leur idéologie. Le cadre conceptuel sort de la réalité européenne ou américaine. Pour ma part, je soutiens que, dans les sciences humaines, la connaissance ne peut venir que de l’expérience.
Source : Raf custers, “Entre zones rurales et sommets internationaux”, Gresea, décembre 2016, texte disponible à l’adresse : http://www.gresea.be/spip.php?article1561
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