Pourquoi les banlieues françaises sont-elles en feu ? Cette situation peut-elle se produire en Belgique ? Quelles alternatives face aux actions autodestructrices des jeunes ? Une contribution du Parti du Travail de Belgique.
Quand l’ouragan Katrina a frappé La Nouvelle-Orléans, ce qui a sauté aux yeux, c’est l’absence de droits et de perspectives pour les « travailleurs pauvres » et plus particulièrement pour la population afro-américaine des grandes villes américaines.
Un désinvestissement complet dans l’emploi, l’enseignement, les programmes de quartiers, la santé et la protection des digues a été réalisé par le gouvernement pour injecter plus de millions encore dans l’armée américaine.
«Ce genre de situation serait impossible en Europe», ont prétendu des tas de politiciens européens.
Les flammes des banlieues françaises prouvent aujourd’hui que la poudrière sociale est bel et bien présente aussi sur le vieux continent.
La quasi-totalité des grandes villes européennes connaissent un chômage particulièrement important, surtout concentré sur quelques quartiers. Dans certaines banlieues françaises, on compte jusque 40 % de chômage, soit quatre fois la moyenne nationale. Dans ces mêmes quartiers et banlieues, de nombreuses infrastructures sociales ont été démantelées.
Comme les maisons de jeunes, les crèches, les infrastructures de loisirs bon marché et les antennes de quartiers. Motif : « pas de marge budgétaire ».
Les agents de quartiers orientés sur la prévention ont été remplacés presque exclusivement par une police anti-émeute (les CRS) entraînée avant tout pour la répression.
Et aujourd’hui, il y a deux fois plus de contrôles, deux fois plus d’exclusions et… la double peine pour ceux qui ont une autre couleur de peau. «Dans cette république, il n’y a pour nous ni liberté, ni égalité, ni fraternité», racontait un jeune.
Et ceci s’est accentué depuis que le programme de répression du fasciste Le Pen ait été repris de plus en plus dans la politique répressive du ministre de l’Intérieur Sarkozy.
Les émeutes : le résultat des choix politiques de l’Union européenne
Tout cela, ce sont les choix politiques adoptés par tous les gouvernements français successifs. Et ces choix politiques s’opèrent dans le cadre de l’Union européenne. Tel est le prix pour «rendre l’Europe de 2010 plus concurrentielle que les États-Unis», comme en ont décidé les quinze chefs de gouvernements européens en 2000 au sommet européen de Lisbonne.
Car ceux qui veulent devenir plus concurrentiels que les États-Unis doivent, tout comme là, sabrer à deux mains dans les acquis sociaux.
Le prix payé pour cela, ce sont les retraités qui ont de plus en plus de mal à s’en sortir, ce sont les jeunes qui quittent l’école sans le moindre diplôme, c’est un nombre croissant de personnes qui rognent sur leurs propres soins de santé et, enfin, c’est toute une génération qui ne connaît que le chômage. Alors que leurs parents doivent désormais travailler plus longtemps encore et de façon plus flexible.
Pour des centaines de milliers de personnes vivant dans les banlieues européennes, voilà la réalité d’aujourd’hui.
Comme le souligne justement le syndicat français CGT: « Cette crise est avant tout une crise sociale, révélatrice des fractures qui se sont creusées depuis 20 ans, suite aux politiques menées. Plus de 5 millions de personnes sont exclues de l’accès à un véritable emploi alors que les profits s’accroissent et que les fortunes prospèrent. Ces familles cumulent toutes les difficultés sociales (éducation, logement, santé…). Les jeunes sont confinés dans la précarité. L’absence de perspectives, les inégalités, les discriminations de toutes sortes minent l’expression des solidarités.» Ce qui mène aux explosions actuelles.
L’orgueil du gouvernement belge Verhofstadt, qui prétend que de telles situations ne sont pas possibles «chez nous», témoigne d’une grave myopie
L’orgueil mal placé du gouvernement Verhofstadt, qui prétend que de telles situations ne sont pas possibles «chez nous», témoigne d’une myopie incurable. Et bien qu’il y ait des différences, l’abcès gonfle dangereusement dans certains quartiers de Bruxelles, Liège et Anvers. Là aussi, il existe des zones avec 40 % de chômage et une absence totale de perspectives d’avenir. N’oublions pas que le gouvernement libéral-socialiste de notre pays applique dans les grandes lignes les mêmes recettes néolibérales que le gouvernement de Chirac.
Dans ce contexte, la lutte actuelle pour le maintien de la préretraite revêt une signification encore plus large. Il ne s’agit pas uniquement du maintien de la préretraite, mais également et surtout du refus du démantèlement social. Et le refus de suivre le modèle américain.
Quelle sorte de société voulons-nous donc pour nous et nos enfants dans les vingt années à venir ? Pas celle-ci mais une société qui respecte le droit au travail, à l’enseignement, au logement et à la santé, se verra témoigner du respect, au contraire d’une société reposant sur le profit à tout prix. Un changement de cap est nécessaire.
Incendier des autos, des écoles, des bâtiments, des entreprises, c’est de l’autodestruction
Le travail, l’enseignement et la culture ont également une importante fonction «organisatrice» au sein de la société.
Apprendre à vivre ensemble à l’école, travailler ensemble dans la « discipline » d’une usine ou d’un bureau, prendre ensemble son sort en main via un mouvement de jeunesse ou une maison de jeunes, monter ensemble un mouvement de lutte dans un mouvement syndical, voilà les facteurs les plus importants de l’«intégration».
Pas une intégration dans le système du profit d’abord. Mais une intégration dans le monde du travail, dans le monde où les gens passent d’abord.
Priver toute une génération ou des quartiers entiers de cette intégration «organisatrice» dans l’emploi, l’enseignement et la culture, mène à ce que les explosions sociales, elles aussi, sont désorganisées, sans perspective, et même autodestructrices.
Car, que les choses soient claires. Incendier des voitures, des écoles, des bâtiments, des entreprises, c’est de l’autodestruction.
Il n’y a rien de bon dans ce type d’actions. Elles touchent d’autres travailleurs des mêmes quartiers et cités. Elles touchent le peu de biens sociaux qui subsistent encore dans ces quartiers. Et elles touchent surtout la solidarité entre tous les travailleurs qui sont frappés par le raz-de-marée néolibéral.
Un large mouvement est nécessaire contre le démantèlement social
Il est logique dès lors que des habitants des quartiers populaires installent des comités sociaux afin de protéger les bâtiments, les écoles et les véhicules.
Et qu’ils réclament le retour des agents de quartier, au lieu de cette police anti-émeute, anonyme et masquée, que sont les CRS.
Il est crucial que le mouvement syndical s’engage aujourd’hui, comme l’a fait la CGT en France. Et souligne le besoin urgent d’un programme national pour l’emploi.
Car c’est le facteur principal si on veut proposer un avenir et donner des perspectives d’organisation.
Comme le sont aussi les revendications pour le retour de services publics accessibles ainsi que de maisons de jeunes, de possibilités de délassement, etc…
Tout ceci n’apporte pas en soi toutes les solutions immédiates à ce problème de société mais il est clair qu’un large débat et un vaste mouvement sont plus que nécessaires contre le démantèlement social et contre le modèle néolibéral de Lisbonne.
(à suivre)