La situation qui s’est créée avec la «globalisation» de l’épidémie du coronavirus n’est pas un accident de parcours ou l’effet d’un complot, mais c’est le produit direct d’une crise systémique qui, dans ces dernières années, a montré différents visages, et se présente aujourd’hui de façon dramatique comme une pandémie.
L’épidémie racontée par les médias mainstream, comme d’habitude, est systématiquement déformée et les éléments secondaires continuent d’être mis en évidence, comme l’exactitude de telle ou telle décision du gouvernement, si le timing a été correct, sur l’extension ou non des zones rouges ou oranges et tant d’autres choses sur lesquelles tous, tous, les soi-disant «politiciens» montrent leur incohérence, dans le but de détourner l’attention des vraies causes qui ont produit au fil du temps les dramatiques résultats de cette pandémie.
Si nous voulons comprendre ce qui se passe, nous ne devons pas laisser notre attention se faire détourner par le cirque médiatique quotidien, mais nous devons aller analyser les raisons structurelles d’une situation à dimension internationale, et dont l’Italie n’est pas seulement une exception. Pas seulement cela, mais nous sommes également invités à nous demander si la situation dans laquelle nous sommes arrivés constitue un point de non-retour pour un système social qui après trente ans d’«hégémonie» est condamné à reculer en amplifiant toutes ces contradictions qu’il a provoqué au tournant du millénaire.
En effet, il apparaît que la mondialisation – nous pensons qu’il est utile de réutiliser les termes marxiens (marxistes) qui nous aident à mieux à comprendre – ne peut pas être gouvernée avec une logique capitaliste qui se reproduit désormais avec les caractères de l’Impérialisme et de la concurrence.
Le mouvement communiste a toujours été internationaliste, sans jamais confondre l’internationalisme avec la tendance historique du capital à unifier le marché mondial, comme quelqu’un dans les dernières décennies a pu le penser. A partir de cette dimension du problème, la contradiction qui se manifeste est celle, classiquement marxiste, entre le développement des forces productives et les rapports sociaux de production; bref, alors qu’ils nous disent que nous arrivons sur Mars et nous expliquent les magnifiques fortunes de notre structure économique, la réalité sociale, ouvrière, environnementale – dans la dimension mondiale – se dégrade toujours de plus en plus et entre en contradiction avec le même développement imposé, en générant dans son développement irrationnel toujours des nouveaux «soucis».
Sinon comment, par exemple, interpréter la revendication de nos «entrepreneurs» d’envoyer de toute façon les travailleurs à la production, au péril de leur vie, sans entrer en formelle contradiction avec les consignes du même gouvernement et générer un sentiment de peur, de colère et de rébellion qui puisse remettre en question la passivité conflictuelle du monde du travail qu’ils poursuivent avec une telle opiniâtreté ?
Une autre remarque peut être utile pour interpréter les évènements présents.
Au fil des années nous avons toujours pensé, peut-être schématiquement, que la crise du capitalisme se manifestait soit à par des conflits militaires, soit par des crises financières, au regard de l’actuelle autonomie absolue des dynamiques monétaires. En vérité, la crise actuelle du coronavirus y nous dit que la réalité est de plus en plus complexe que nos raisonnements et la crise d’hégémonie, identifiée par nous, s’impose là où l’adversaire de classe pensait avoir gagné définitivement la guerre et pas seulement des batailles.
L’hégémonie est en train d’imploser surtout sur la destruction généralisée de l’État Providence, conçue dans les décennies passées également comme une vengeance historique de la part des bourgeoisies mondiales sur le conflit de classe du XXe siècle. En d’autres termes, aucune mondialisation capitaliste, qui ne produise pas de dommages et de drames ne peut exister, et dans ce modèle social, il ne peut y avoir d’émancipation pour l’humanité dans son ensemble. Bref, l’histoire n’est pas tout à fait finie.
Réaffirmer et prendre pour point de départ quelques références théoriques est nécessaire pour retrouver ses repères afin de reconstruire des scénarios et des dynamiques qui se mettent en marche et qui seront accentuées d’ici la fin de la crise sanitaire internationale.
Il s’agit alors de mettre les «pieds par terre» dans la réalité concrète et commencer à tirer quelques conclusions ; en premier lieu nous devons préciser que le pays d’origine de l’infection a réussi à la mettre sous contrôle rapidement en mobilisant un système immense que seul un État digne de ce nom peut être en mesure de faire.
Nous n’avons pas l’autorité nécessaire pour donner ou non des permis de socialisme, cependant nous pouvons dire que la dimension publique est la seule qui est en mesure d’affronter des urgences sociales de cette dimension. Tout comme nous ne pouvons pas ne pas non souvenir que Cuba, encore une fois, s’est avérée d’être à l’avant-garde, non seulement de la médecine, mais aussi d’une claire conception sociale de l’État.
Ce sont des évaluations sommaires, mais il ne fait aucun doute que de tels résultats ne sont pas seulement le produit d’une «efficacité» étatique, mais aussi d’une dimension culturelle populaire où le collectif est plus fort que notre individualisme capitaliste dévastateur.
Les raisons structurelles de notre crise sanitaire, en Europe et dans le reste de l’Occident, sont désormais évidentes même si la communication télévisée s’obstine à les supprimer systématiquement, puisqu’elle sait qu’elles seraient un féroce acte d’accusation contre les politiques adoptées par tous les gouvernements.
Le Service National Sanitaire en Italie a été allégé avec des coupes budgétaires de 37 milliards en seulement 10 ans, contre-réformé pour être mieux privatisé, réorganisé en fonction des soi-disant excellences, et a désormais perdu la capacité d’être un instrument de défense de la santé publique.
Cela est le produit des politiques d’austérité de l’UE, qui n’a pas seulement dévasté le SNS mais toute la structure productive de notre pays. L’effondrement du pont de Gênes, et pas seulement, n’est rien d’autre que l’effet du manque d’entretien du réseau autoroutier, confié à des particuliers « éclairés » comme les Benetton.
Comme les fréquents accidents ferroviaires qui sont le produit d’une stratégie de réduction des coûts, y compris ceux de la maintenance, comme l’a montré encore une fois le déraillement du TGV dans la province de Lodi (ou d’un TGV en France), d’augmentation des tarifs non pas à des fins sociales, mais pour financier les investissements à l’étranger de la multinationale FS (Ferrovie dello Stato), chose peu connue chez nous.
La liste des effets dévastateurs des politiques de privatisation, signées EU et soutenues avec conviction par le parti transversal du PIB – du PD à la Lega – pourraient durer longtemps : du bulletin capitaliste, composé par les anciennes familles industrielles, qui s’est approprié de la gestion des services et des tarifs publics, jusqu’à l’actuelle crise industrielle, qui est le produit de l’absence de toute politique industrielle et de planification de l’État, qui a laissé les mains libres au vol des fonds financiers internationaux.
Ce que met en évidence l’inattendue crise sanitaire internationale, est que nous sommes arrivés à ce stade par les pressions immanentes du capital qui, depuis la fin de l’URSS, a trouvé les meilleures conditions pour augmenter des profits et du pouvoir, en affirmant son idéologie. Désormais ce mécanisme ne peut pas revenir en arrière, pour des raisons très concrètes qui se manifestent aux yeux de ceux qui veulent voir.
Le premier est que les marges de croissance pour surmonter les problèmes posés par la crise actuelle, sont réduites et insuffisantes pour donner une impulsion générale à l’économie capitaliste. Comme nous le savons, pour le capital les crises sont aussi une occasion pour se redresser, mais dans ce cas la privatisation des services publics mise en œuvre au niveau mondial a été si généralisée et profonde que les marges de reprise actuelles sont très limitées.
En d’autres termes, le développement dans le secteur tertiaire est entré en crise, dépassant la production industrielle en surproduction depuis les années 70, et s’est développé en pliant, au profit privé, les services et les biens publics accumulés depuis le conflit de classe des années 1900, qui adressa des ressources et capitaux au profit de la dimension sociale.
L’autre donnée qui ne fait pas envisager de marges significatives de reprise est le niveau de composition organique atteint par le capital mondial. Donc : désormais le niveau d’automatisation de la production et des services a rejoint une dimension telle qu’il est impossible de revenir en arrière. Ceci signifie une augmentation de l’exploitation et une aggravation de la condition de la main d’œuvre entendue en termes généraux, dépendante et subalterne, qui produit du chômage, de la précarité et empêche la resocialisation de la richesse produite en l’absence, c’est le cas actuellement, d’un très fort conflit de classe.
Enfin, le conflit qui naît de ces marges réduites de rentabilité ne se répercute pas seulement sur les classes populaires, mais aussi dans le conflit entre les puissances, comme le montre clairement l’histoire des taxes, des politiques protectionnistes et des conflits militaires faits pour affirmer les géopolitiques fonctionnelles aux intérêts de telle ou telle force impérialiste. Et même le levier financier, après la crise de 2008, montre une difficulté à maintenir sa fonction de stabilisation de l’économie, comme le montrent les guerres monétaires qui apparaissent périodiquement.
En résumé, ceux qui pensent que la crise sanitaire puisse faire repenser les politiques générales à des fins sociales se trompent, puisque cette situation n’est pas le produit de tel ou tel choix «erroné», comme d’autre part le montre la dimension mondiale de l’épidémie, mais d’une condition structurelle du capitalisme qui, après l’ivresse de la victoire sur le socialisme, se retrouve à nouveau à se confronter à elle-même.
Nous savons bien que quand cela arrive, les perspectives pour l’humanité ne sont certainement pas positives, comme ce fut le cas avec les deux guerres mondiales du siècle passé et cela se produit aujourd’hui de manière probablement inédite.
Le mouvement de classe, les communistes, arrivent au rendez-vous malheureusement complètement désarmés, certainement aussi à cause de la répression, parce que l’ennemi de classe se fâche et baillonne encore plus les libertés de lutte et d’organisation, mais il y a aussi une autre raison de notre impuissance.
Ceci réside dans la désagrégation matérielle, politique et culturelle de notre référence sociale et de classe, également favorisée par ceux qui, comme «la gauche» de chez nous, dans ces décennies d’hégémonie du capital ont accepté l’idée que la critique révolutionnaire au capitalisme devrait être abandonnée ; par ceux qui ont accepté les valeurs implicites et explicites de la structure actuelle ; par ceux qui pensaient qu’il fallait mettre en jeu des propositions «raisonnables», parce que le socialisme maintenant est désormais obsolète et non exploitable au niveau social et idéologique.
De la prédominance du marché sur l’État, peut-être dans les formes utiles de non profit, à l’acceptation de la concurrence sociale et de la «méritocratie», se sont développées, en somme, seulement dans cet horizon, qui en Italie et en Europe a signifié très concrètement de soutenir les politiques de l’Union Européenne.
Cette conception doit être inversée. Lutter sur le plan social et politique est important, mais cela devient insuffisant, il faut ouvrir également un autre front de lutte qui est celui de reconstruire un (système de valeurs qui rompt et ne fasse pas de compromis avec la culture dominante et qui s’attaque fortement au modèle social en crise.
Un modèle qui nie des perspectives à des catégories toujours plus vastes de la population, à commencer par les plus jeunes, qui ne voient pas et n’ont pas de perspectives.
Aujourd’hui on doit requalifier totalement la lutte idéologique anti-capitaliste et communiste, arme transformée en «gros mot» par ceux qui ont imposé leur hégémonie culturelle sur la société, un instrument qui redevient aujourd’hui essentiel pour donner force et identité à des couches de plus en plus importantes de la société pour combattre et contrer une hégémonie qui révèle toujours plus sa nature réactionnaire.
Il s’agit de l’engagement concret que nous devons prendre pour surmonter l’urgence du coronavirus, pour ouvrir un nouveau front de lutte et pour empêcher que «l’après» ne puisse plus être comme « l’avant».
Source : Contropiano