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Au Venezuela les communard(e)s continuent à créer l’État nouveau.

Petit à petit, les Vénézuéliens ont remonté les rues étroites du quartier de Catia pour aller voter dans les bureaux de la commune d’Altos de Lídice, à Caracas (1). L’élection de ce dimanche 21 avril au Venezuela n’a pas pour but de choisir un député, un maire ou un gouverneur. L’objectif de la consultation populaire est de définir les projets prioritaires pour chacun des 4500 auto-gouvernements communards du pays. Dans la rue, on note la forte participation des femmes. Carmen Forjado, coordinatrice de l’équipe électorale de la commune « Golpe de Timón » : « Nous sommes les 70% des électeurs, nous avons laissé le foyer, notre confort, nous nous sommes donné les moyens d’agir sur le plan politique. Nous avons le sentiment d’incarner tout ce processus ».

15.617 bureaux de vote répartis dans 49.000 conseils communaux du Venezuela ont ouvert leurs portes tôt le matin à ces électrices et aux électeurs qui ont pu choisir les priorités de chaque commune parmi sept options. Le projet retenu est transmis au ministère des communes et des mouvements sociaux, pour être financé. Il sera mis en œuvre avec le concours des habitant(e)s eux-mêmes, avec l’aide matérielle du gouvernement révolutionnaire. Les projets sur lesquels les Vénézuéliens votent sont l’eau potable, les services électriques, l’amélioration des services publics, du système de santé, de l’éducation, du sport, des transports publics, la gestion des déchets, l’entretien des rues ou des routes, la protection de l’environnement, des projets productifs, des processus industriels, le système de production agricole, etc… Qu’il s’agisse d’acheter des ambulances, d’améliorer l’approvisionnement en eau potable ou de construire un réseau Wi-Fi public, les Vénézuéliens revendiquent ce vote comme une étape avancée de la démocratie participative.

Le caractère politique de ces élections va au-delà de la politique des partis. Les communes sont un concept de l’État nouveau, proposé par le président Hugo Chávez. Son objectif reste clair : que l’État soit géré de la base au sommet et que les décisions des conseils communaux prennent toute leur place dans la prise de décision commune peuple/gouvernement. Il ne s’agit pas d’une simple consultation citoyenne, comme dans d’autres pays. Ici le résultat du vote oblige l’État à financer le projet retenu par la population.
Les projets élus ce dimanche ont été choisis après un débat approfondi au sein des conseils communaux. Par le biais d’assemblées, les habitants ont été écoutés et ont fait valoir ce qu’ils considéraient comme les principales demandes. A partir de là, ont été choisi les sept projets les plus urgents, et nécessaires.

Pour Dahis Escobar, éducatrice à l’université plurinationale Patria Grande, la participation populaire est fondamentale pour mettre en œuvre des projets qui répondent étroitement à la réalité des communes. « Ce n’est pas une simple démocratie représentative. Je ne choisis pas quelqu’un qui promet de réaliser quelque chose sans que je sache s’il va le faire ou pas, ou parce qu’il nous a dit que selon lui, tel ou tel projet est le meilleur pour la communauté. Non. Ici, la démocratie est participative et directe. Nous participons nous-mêmes au choix des projets que nous allons réaliser. Le débat sert à écouter les demandes réelles de la population ».

« Vaincre le capitalisme »

Pour José Ibarra, porte-parole des infrastructures de la commune socialiste d’Altos de Lídice, « C’est très important pour vaincre l’État capitaliste. Avant, nous étions habitués à une mairie. Mais aujourd’hui, le pouvoir populaire participe à partir de son territoire, des projets à court, moyen et long terme sont élaborés. Les gens eux-mêmes, les porte-parole des conseils communaux et le Comité Local d’Approvisionnement, participent ensemble à ce projet au bénéfice des communes »

Mères, pères, grands-pères et grands-mères accompagnés de leurs enfants, petits-enfants et neveux. Des familles entières se sont rendues aux urnes en ce dimanche qui s’annonçait nuageux à Caracas. Le ministère des communes s’attendait à ce qu’au moins 1,3 million de communard(e)s participent à la consultation. Parce qu’ils sont simples et rapides à mettre en œuvre, le gouvernement calcule que les projets retenus seront finalisés dans un délai maximum de deux mois. Les travaux seront gérés par les communes elles-mêmes par l’intermédiaire de la Banque Communale, une figure créée par l’assemblée nationale au sein du vaste éventail des lois du pouvoir populaire. Chaque commune dispose de sa propre banque, et d’une unité qui concentre l’administration des fonds. La banque recevra l’argent du ministère et l’investira conformément à ce qui a été approuvé dans les assemblées.

Contrairement aux élections traditionnelles (35 en 24 ans de révolution), les personnes âgées de plus de 15 ans peuvent participer à la consultation populaire. Pour Dahis Escobar, la présence des jeunes est un gage de plus grande représentativité dans le choix des projets. « Les plus de 15 ans peuvent choisir les projets qu’ils préfèrent, l’important est que ces projets soient réalisés par les habitants de ces communautés eux-mêmes. C’est un projet pour toute la commune, qui profite à toute la commune, pas à un secteur, pas à un individu, mais à toute la commune ».

Photo : Sur la base du vote, chaque commune dresse la liste des projets qui seront mis en œuvre en priorité par le gouvernement / Monyse Ravena

« Grand jour ! Le pouvoir dans notre pays est enfin dans les mains du peuple », a déclaré le président Maduro, pour qui « la droite déteste pouvoir populaire, rien que ces mots – pouvoir populaire – génèrent son mépris, sa haine, à l’assemblée elle a toujours voté contre les lois qui le garantissent. » L’idée du gouvernement bolivarien est que le processus de consultation et de choix des projets soit mené plus souvent. Le vote a été suivi par des observateurs du monde entier dans tout le pays, dans les différents points de vote. Le sociologue portoricain Ramón Grosfoguel, célèbre penseur de la décolonialité, en était : « le processus électoral de la consultation populaire devrait être analysé par d’autres gouvernements comme un exemple de réussite. C’est un exemple de démocratie participative qui n’a pas de précédent dans le monde. On ne voit cela nulle part dans le monde, ici on en a déjà fait l’expérience et cela semble normal, mais pour nous qui venons de l’extérieur, c’est tout sauf normal, c’est un exemple ».


Source : https://www.brasildefato.com.br/2024/04/22/consulta-popular-envolve-49-mil-comunas-na-venezuela-e-escolhe-projetos-prioritarios-para-territorios

Traduction du portugais : Thierry Deronne

Note :
(1) Les communes sont un type d’organisation sociale et politique basé sur les quartiers urbains et les communautés rurales. Créées dans le cadre de la loi organique des communes, promulguée en 2010 par le président de l’époque, Hugo Chávez, elles expérimentent une nouvelle forme d’autogouvernement populaire basée sur l’autogestion et le dialogue permanent avec l’État. Elles ont la priorité dans le transfert des ressources de l’État et ne doivent pas nécessairement se limiter à un état ou à une municipalité, c’est-à-dire qu’une même commune peut couvrir plus d’une ville. Le rôle de la commune implique également la gestion économique des ressources. Ces organisations s’appuient sur la loi de l’économie communale, qui reconnaît plusieurs types d’organisation au niveau économique : les entreprises communales de propriété sociale directe, les unités familiales de production ou les sociétés communales de propriété sociale indirecte, qui sont des sociétés mixtes, gérées pour moitié par l’État et pour moitié par la commune.

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