Investig’Action a lancé l’Opération Gaza Vérité. Objectif : armer 100 citoyens dans la bataille de l’info pour mettre fin au génocide. Car seul un mouvement de masse pourra contrer les médiamensonges et changer le rapport de forces. Lors d’échanges sur comment parler de Gaza autour de soi, nous écoutons les témoignages de ces hommes et femmes qui, révoltés, veulent agir. Nous partageons ici celui d’André, qui nous a beaucoup touchés.
Je m’appelle André, je suis Français et l’école de la République m’a appris la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.
Le 7 octobre 2023, j’ai appris comme tous, qu’un acte terroriste avait frappé un pays, que je connaissais peu : Israël.
Des images du Bataclan ou de Charlie Hebdo me revenaient, et ces mêmes sensations de colère et de frustration de ne rien pouvoir faire. Sur les médias, on nous disait que c’était encore les mêmes qui avaient frappé : des islamistes voulant l’anéantissement du peuple juif.
Comment aurais-je pu rester de marbre quand dans mon propre corps, coule du sang juif, celui de mon grand-père ?
Ce jour-là, forcément j’en discute avec celle qui partage ma vie depuis un an à ce moment-là et qui deviendra ma fiancée aujourd’hui en 2024. En fait, c’était la première fois que l’on abordait ce sujet que la société m’avait décrit tabou. C’est à ce moment précis que deux visions s’opposent : la vision du Français d’Europe et celle de ma partenaire libanaise.
L’Europe a donc débattu avec le Moyen-Orient sur un sujet de controverse où tous deux ont une vision opposée.
Je lui parle donc de ma haine de ces terroristes qui ont tué lâchement des gens en Israël et que ça me rappelle l’année 2015 où le terrorisme islamiste avait frappé en France.
Ma partenaire, compatissante, m’apprend qu’il ne faut pas oublier que des crimes semblables se sont passés et se passent en Palestine comme au Liban depuis la création de l’État hébreu en 1948, qu’il y a des injustices, des tueries, des actes terroristes commis par des Israéliens.
Ma stupeur demeure grande : comment Israël pourrait faire ça ? Que me raconte-elle ?
L’école française m’a appris qu’Israël était un pays de refuge pour les juifs après la Shoah et qu’ils n’ont connu que l’agression de ses voisins arabes, remplis d’antisémitisme.
Je ne croyais pas ce que ma partenaire disait. Je ne pouvais pas.
Puis, au milieu du débat, j’ai eu un déclic quand j’ai appris qu’au Liban, dans leurs écoles, Israël n’existait pas sur leurs cartes. Ce territoire s’appelait: Palestine occupée.
C’est là que mon cerveau a fait le lien avec la France occupée en 1940.
À ce moment, je me suis obligé à étudier ce conflit jusqu’aux premières racines afin de tout comprendre.
J’ai recherché, lu des récits d’historiens, européens, arabes et même israéliens, j’ai lu des livres, j’ai écouté des témoignages dont celui de ma fiancée.
Et j’ai compris. J’ai ouvert les yeux.
J’ai compris qu’en Europe, on nous inculquait la propagande israélienne. Qu’on omettait de nous dire des choses et qu’on orientait toujours en faveur d’Israël. Et j’ai compris pourquoi. C’est pourquoi j’ai décidé d’écrire ce témoignage.
Je pense sincèrement que j’ai entamé ce travail de recherches grâce à l’attachement émotionnel que j’ai avec ma future femme.
J’ai simplement imaginé mes futurs enfants subir ce genre d’injustice.
Ce fut un véritable déclencheur.
Face à une telle injustice et parce que j’ai appris à l’école les valeurs de la République énoncées plus haut, je me suis promis d’éduquer mon entourage sur cette injustice. D’une manière neutre. Ne pas choisir de camp entre Israéliens ou Palestiniens, simplement choisir le camp que nous avons tous dans notre cœur, s’il n’est pas noirci, à savoir le camp de l’Humanité.
Mes premiers travaux ont donc débuté sur mes parents.
J’ai vite compris que la propagande israélienne était vivement ancrée en eux.
La critique d’Israël était pour eux et pour tant d’autres Européens, une forme d’antisémitisme.
Mes parents m’ont sincèrement demandé comment je pouvais critiquer Israël en sachant que mon grand-père était lui-même juif.
Il fallait donc leur expliquer en quoi juif et Israélien ne doivent pas être des synonymes.
Qu’Israël est un pays laïc, qu’il y a aussi des chrétiens et des musulmans, comme en Palestine et au Liban d’ailleurs.
Il fallait leur retirer cette propagande très ancrée depuis leur naissance, qu’aujourd’hui même Netanyahou utilise en carte joker pour justifier tous ses crimes.
Ensuite, il fallait leur expliquer en quoi la guerre qui se déroule au Moyen-Orient n’a jamais été, finalement, une histoire de religion. Que des personnes se sont installées chez d’autres personnes, sous prétexte qu’il y a 3 000 ans, la religion leur a dit que c’était leur terre, et qu’ayant connu le génocide nazi, ils avaient tout à fait le droit voire le devoir de « retrouver » leur terre. J’ai donc posé la question : trouvez-vous normal et légitime que quelqu’un venant d’Europe puisse venir sur votre terre vous menacer de vous tuer si vous ne lui laissez pas votre maison, dans laquelle votre famille y a vécu des générations ?
Si c’étaient des musulmans qui avaient connu et dit ça, qu’aurions nous pensé ? « Ce sont des extrémistes religieux, des islamistes qu’il faut éliminer. ».
Peu de réponse, car je me suis rendu compte que tout comme moi, ils n’avaient simplement pas l’information. Que depuis leur naissance, tout a été fait pour qu’ils ne l’obtiennent pas.
Je leur ai donc appris et montré les choses.
Je leur ai parlé de la réponse criminelle à Gaza.
Je leur ai rappelé qu’une personne, quelle que soit sa couleur, sa religion ou son ethnie, a le droit de vivre en paix.
Non la Shoah n’a pas créé Israël. Les pogroms antijuifs existaient déjà avant d’ailleurs.
Le sionisme est né bien avant la seconde guerre mondiale.
La Shoah n’a été que l’accélérateur.
Je réalisais alors qu’il leur manquait beaucoup d’informations. En tout cas de vrais faits historiques. Il fallait donc leur donner la connaissance et les faire valider par des sources, qu’eux, jugeraient bonnes. Évidemment, on peut facilement les trouver sur internet.
Puis, tout au long de l’année, les horreurs de Gaza nous parvenaient grâce aux réseaux sociaux, tous les crimes en Cisjordanie.
Des langues se déliaient, de véritables mouvements de solidarité partout dans le monde voyaient le jour.
J’ai donc pu prouver à mes parents que ma parole n’était pas singulière. Elle était bien plus plurielle que j’imaginais.
Mes parents ont mis du temps à comprendre car les blocages psychologiques étaient bien ancrés. Mais par de nombreuses discussions que j’essayais de rendre fructueuses et non conflictuelles, mes parents ont commencé à se poser des questions.
Grande fut ma surprise quand mon père m’a appris qu’il avait regardé un reportage sur les ministres extrémistes en Israël et à quel point ils participaient à envenimer le conflit.
Lui qui me parlait de petit point sur la carte pour parler de l’État hébreu commençait à comprendre que ce pays n’était finalement pas ce que l’on nous avait toujours dit.
Un jour dans la voiture, j’ai posé cette question à ma mère « Maman, si ta mère avait été juive, tu aurais été juive, n’est-ce pas ? (Le judaïsme se transmet par la mère et non le père). Aurais-tu considéré Israël comme ton pays ?
Sa réponse rapide : Bah non pourquoi ?
Alors tu n’es pas sioniste. »
De petites graines germaient de plus en plus.
Les récents événements tragiques au Liban ont également été un accélérateur pour mes parents. J’étais personnellement au Liban le jour de la première explosion du bipeur. Ils ont réalisé que leur fils et leur belle-fille qu’ils aiment tant, auraient pu mourir sous le feu destructeur et incontrôlé d’Israël. Les États-Unis bombarderaient-ils la France s’ils avaient localisé un terroriste à Paris ?
Aujourd’hui, mes parents ont une meilleure connaissance du conflit et j’espère sincèrement qu’ils ont compris que le « méchant » de l’histoire ça sera toujours celui qui tue les innocents.
Avec notre bagage culturel, les valeurs de paix que nous avons apprises en tant que Français ou Européen et les faits historiques que l’on étudie, nous ne pouvons pas nous taire face à l’impunité d’Israël quant à ses massacres sur des civils libanais ou palestiniens. Tout comme nous ne pouvons pas nous taire devant les massacres du Hamas ou du Hezbollah sur des civils israéliens.
Nous pouvons ensemble changer l’opinion publique. Comprendre qu’il y a toujours eu un agresseur et des agressés et au milieu de tout ça, des civils qui n’ont rien demandé, qui meurent, qui perdent tout.
Les juifs de la Shoah voulaient trouver refuge après le pire. La Palestine les a accueillis à bras ouverts, mais des sionistes extrémistes malintentionnés ont transformé la bonne entente historique en Palestine entre juifs, musulmans et chrétiens en champ de haine, de vols de terre et tueries de masse.
Nous devons exiger que nos États cessent de livrer des armes à un gouvernement génocidaire et les y contraindre de quelque manière que ce soit, et aussi qu’ils fassent tout en leur pouvoir pour libérer les otages israéliens mais aussi palestiniens.
Source : investig’Action