Photo : Maariya Timol

Apocalypse now – Génocide à Gaza

Gaza. Méthodiquement assassinée et torturée. Jour après jour, nuit après nuit, depuis près d'un mois. Sans que rien ou si peu n'invite à croire que cela va enfin s'arrêter. Ecrivain, romancier et poète, Umar Timol nous invite à regarder le réel et à l'affronter. En cessant d'oublier ou nuancer cette vérité : « Le fascisme qui se manifeste ailleurs est le même que celui qui sévira ici. »

Ce mot « génocide » provient d’un autre lieu, d’un autre temps. Ce sont quelques photos, des documents rares, des livres, des objets. C’est une obscénité qu’on a du mal à appréhender car on la sait distante, enfouie dans des terres lointaines, et on est convaincus, ou on tente de se convaincre, qu’elle est inimaginable maintenant, à l’ère de la technologie et des images, car les victimes témoigneront en temps réel, car on saura tout, et le monde arrêtera le mal. 

Plus jamais. 

Plus jamais on ne tuera systématiquement des êtres, on n’exterminera des familles entières, des vieillards, des enfants. Plus jamais les camps de concentration, plus jamais la pestilence de milliers de cadavres qu’on ne peut enterrer. Et pourtant, Israël se livre actuellement à un génocide, sous nos yeux littéralement. Cette œuvre d’annihilation se fait en temps réel, en direct, on assiste à la minutie du déploiement de la violence. Une violence qu’on ne peut arrêter. Une violence légitimée, célébrée, par certains. Une violence expiatoire.

Une Palestinienne partage sur les réseaux sociaux ce qui est possiblement son dernier « post » car les bombes pleuvent sur Gaza. Plus tard, on apprend qu’elle est morte.

Et ce meurtre n’est pas un hasard. C’est un choix. C’est un calcul.

Plus de 7000 morts, parmi 2300 enfants.

Un enfant meurt toutes les quinze minutes.

C’est un génocide.

La machine de la propagande tentera de nous convaincre du contraire. Israël a le droit de se défendre. C’est une situation complexe. C’est une réaction aux atrocités commises par le Hamas. On défend la civilisation, les lumières. C’est un combat entre le Bien et le Mal.

Mais le fait demeure. Limpide. Assassin.

Il n’y a pas lieu de débattre. On n’interrogera pas la sémantique des mots. Pas de contorsions de l’esprit, de grâce.

On regardera ce réel. On l’affrontera.

Ce réel qui vomit du sang.

Ce réel qui calcine les os.

Ce réel qui incinère les chairs.

Le corps démantibulé de l’enfant.

Il y a un oppresseur et un opprimé.

Et l’oppresseur veut annihiler l’opprimé.

Semblable en cela aux colons qui ont détruit les Amérindiens,  les Aborigènes, les Algériens et tant d’autres peuples. Des centaines de millions de morts. 

Les méthodes ont changé mais le résultat est le même.

L’Amérindien génocidé et le Palestinien génocidé sont frères, réunis sur l’autel du sacrifice colonial, déshumanisés, objectifiés, martyrisés pour que les puissants puissent dominer, terroriser, puissent être.

Pas lieu d’aller fouiller dans les archives puisque les archives du réel, du présent nous sautent au visage.

On doit enfouir ce mot lentement, très lentement dans notre crâne. Génocide. On assiste en direct, pour la première fois dans l’histoire, à un génocide, à une tentative d’extermination d’un peuple.

Il fait nuit. Le 27 Octobre 2023. Gaza est coupée du monde. On bombarde, on tue impunément. On massacre. Pas que des Palestiniens. Mais tous ceux qui désirent la liberté. Le fascisme qui se manifeste ailleurs est le même que celui qui sévira ici.

Nous sommes tous Palestiniens.

Qu’on s’en souvienne.

Et on n’oubliera pas. La monstruosité des puissants.

La complicité des élites occidentales.

Le silence des écrivains, des intellectuels, des artistes.

Et on n’oubliera pas.

Le cri de cette Palestinienne qui transperce la nuit, le cri de l’humain au paroxysme de son humanité.

Génocide, ce mot lointain est désormais inscrit dans notre chair.

Nous porterons ce témoignage jusqu’aux confins du temps.

Que vous avez tué l’humain et que le silence cessera d’être.


Umar Timol

Source : le club de Médiapart

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