Éditorial / Sanctions et élections
Ce dimanche 26 mars dernier , les Cubains ont élu les 470 nouveaux membres de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire. Les élections ont été marquées par une grande participation.
Selon la présidente du Conseil Electoral National (CEN), Alina Balseiro, 6 164 876 Cubains ont exercé leur droit de vote sur les 8 120 072 inscrits sur les listes électorales, ce qui correspond à une participation de 75,92 %, un chiffre légèrement supérieur à celui des élections précédentes de 2018.
En outre, sur l’ensemble des votes valides, 72,10 % des votants ont voté pour tous les candidats proposés et 27,90 % ont opté pour un vote sélectif.
Ce processus électoral prendra fin le 19 avril avec la constitution de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire; les nouveaux députés prennent leurs fonctions pour une période législative de cinq ans. Une fois entré dans ses fonctions, l’organe sera chargé d’élire sa direction, laquelle se trouvera à la tête du Conseil d’État, ainsi que le président et le vice-président de la République.
Après l’annonce officielle, les autorités ont salué la participation massive et ont parlé d’une nouvelle victoire de la démocratie cubaine.
En effet, le président cubain, Miguel Díaz-Canel, a affirmé que les chiffres parlent plus que les mots : “Une participation de 75,92 % et un vote unifié de 72,10 %, au milieu de tant de difficultés, c’est une vraie réussite”.
Cependant, le dirigeant a également mis en garde sur le fait que cette nouvelle Assemblée Nationale sera confrontée à de grands défis car il lui faudra travailler pour surmonter la situation économique et sociale que traverse actuellement le pays.
Pendant ce temps, le ministre des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, a été chargé de défendre le pays contre les commentaires “inacceptables, relevant de l’ingérence et trompeurs” du gouvernement américain à propos de la journée électorale. “Nous avons peu ou rien à apprendre du système archaïque et élitiste nord-américain, où l’argent gouverne et où deux partis politiques se relaient au pouvoir de la part d’une même minorité”, a ajouté Rodriguez.
Le chef de la démocratie cubaine s’est exprimé après que l’ambassade des États-Unis à Cuba ait publié une critique de la journée électorale, la qualifiant d ‘”antidémocratique”.
Cuba fait face à de réels problèmes dans son système politique, comme le reconnaissent ses propres dirigeants. Les systèmes politiques ont tendance à s’enkyster, la bureaucratie l’emporte sur l’initiative et la verticalité écrase le pouvoir populaire.
Toutefois, non seulement les États-Unis n’ont rien à enseigner en matière de démocratie, mais de plus, le contexte de la réalité cubaine est toujours déterminé par le blocus cruel et criminel imposé par Washington.
Il y a plus de 60 ans que l’embargo unilatéral a été mis en place par l’ancien président John F. Kennedy. Les mesures, qui cherchaient à étouffer l’île et précipiter la fin de l’expérience révolutionnaire, ont causé des dommages estimés à pas moins de 933 milliards de dollars (une estimation des pertes d’exportations, des coûts supplémentaires d’importations, des limites à la croissance économique et des dommages sociaux).
Le rejet du blocus contre Cuba est aujourd’hui l’un des sujets qui fait le plus l’unanimité sur la planète. Tous les ans, on assiste au même rituel au sein de l’Assemblée Générale des Nations Unies qui demande la fin de l’embargo. Tous les pays du monde votent en faveur de cette mesure à l’exception des États-Unis, d’Israël et des deux ou trois alliés du moment.
C’est là un élément à garder à l’esprit chaque fois qu’un porte-parole nord-américain parle du mythique “ordre international basé sur des règles”.
Au cours de ces dernières années, le virage à gauche dans l’hémisphère a intensifié la solidarité avec la Havane. La Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Mexique et la Colombie font partie des pays qui ont dénoncé la politique cruelle des États-Unis dans les forums internationaux durant ces dernières semaines.
L’administration Biden n’a absolument rien changé aux mesures imposées par Trump pour resserrer l’étau contre Cuba. Elle n’a même pas retiré l’île de l’absurde liste des “pays soutenant le terrorisme”.
Le gouvernement cubain a dû prendre de nombreuses décisions difficiles, en faisant des concessions sur le front économique. Mais malgré l’état de siège permanent, certains aspects sont absolument non négociables.
Le peuple cubain reste au centre du projet, avec des systèmes d’éducation et de santé qui ne doivent rien à l’Occident. La solidarité internationale fait toujours partie de l’ordre du jour, avec un engagement inébranlable envers tous les peuples qui luttent.
Brèves
Venezuela / Opération anti-corruption
La réalité politique vénézuélienne a connu un tremblement de terre avec une vaste opération “anti-corruption”centrée sur la compagnie pétrolière publique PDVSA. L’enquête a permis d’arrêter 21 personnes, dont des maires, des juges, des fonctionnaires, des hommes d’affaires et un député.
Les autorités judiciaires affirment que les systèmes de corruption ont entraîné des pertes de 3 milliards de dollars en ce qui concerne les ventes de pétrole.
Parmi les personnes arrêtées par la Police Nationale Anticorruption figurent le désormais ex-chef de la Superintendance Nationale des Crypto-actifs (SUNACRIP), Joselit Ramirez, et le député Hugbel Roa. Tous deux sont considérés comme proches de Tareck El Aissami, qui a démissionné de son poste de ministre du pétrole pour “soutenir les enquêtes”.
Argentine / Macri ne sera pas candidat à la présidence
L’ancien président de l’Argentine, Mauricio Macri, a annoncé qu’il ne serait pas candidat aux élections générales du 22 octobre prochain. Macri a été battu par Alberto Fernández lors des élections de 2019.
Cette annonce a plongé la scène politique dans l’incertitude, car Macri était considéré comme le pré-candidat le plus solide de l’alliance conservatrice Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement).
Cependant, la coalition de droite a connu des mois de conflits internes au sujet de la candidature à la présidence. Les principaux candidats sont Horacio Rodriguez Larreta, chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, l’ancienne ministre de la sécurité, Patricia Bullrich et la députée María Eugenia Vidal.
Équateur / Mise en accusation de Lasso
Le président équatorien Guillermo Lasso fait l’objet d’une procédure de destitution à la suite d’une décision de la Cour constitutionnelle de la nation andine.
Lasso, un banquier de droite qui a remporté l’élection présidentielle de 2021, est accusé de corruption et de liens avec le narcotrafic, tout particulièrement par le biais de son beau-frère.
La décision reviendra au congrès équatorien, qui peut destituer le président avec 92 voix favorables sur 137 députés. Dans ce cas, le vice-président prendrait ses fonctions jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Le camp “Correista”* est le plus important de cette législature, et les mouvements indigènes ont également exprimé leur soutien à la destitution.
*= partisan de l’ancien président Rafael Correa
Mexique / 39 morts dans un centre de détention pour migrants
Un groupe de 39 migrants a trouvé la mort le 27 mars dans l’incendie d’un centre de détention à Ciudad Juárez, près de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. La tragédie a également fait 27 blessés qui sont toujours hospitalisés.
Parmi les morts figurent 18 Guatémaltèques, 7 Salvadoriens, 6 Honduriens, 7 Vénézuéliens et 1 Colombien.
Selon les autorités mexicaines, les migrants ont brûlé des matelas pour protester contre leur expulsion imminente. La justice mexicaine a émis des mandats d’arrêt et des accusations d’homicide à l’encontre de trois fonctionnaires de l’immigration, de deux membres d’une société de sécurité et d’un migrant.
Brésil / Retour de Bolsonaro
El ex-presidente brasileño Jair Bolsonaro regresó a Brasil luego de un exilio auto-impuesto de tres meses en Estados Unidos. El líder de extrema derecha busca dirigir el Partido Liberal en la oposición contra el gobierno de Lula da Silva.
Sin embargo, Bolsonaro enfrenta una serie de investigaciones que podrán resultar en su inhabilitación política o incluso en su detención. El ex-presidente tendrá que responder por el manejo de la pandemia, por acusaciones de divulgar información falsa y de filtrar información confidencial.
Enfrenta también investigaciones sobre acusaciones infundadas de fraude electoral y sobre su responsabilidad en la violencia en Brasilia el 8 de enero.
Interview
Mexique / Adriana Flores: “Il y a cinq candidats dans MORENA”
Dans cette interview, la journaliste Adriana Flores nous aide à mettre en perspective les élections présidentielles qui auront lieu prochainement au Mexique. Nous échangeons à propos du projet de réforme électorale, sur les éventuels candidats et sur les relations avec les États-Unis.
Au Mexique, une réforme électorale vient d’être approuvée, très fortement soutenue par AMLO et son parti Morena et en même temps très fortement diabolisée par l’opposition et par la presse internationale. En quoi consiste cette réforme et comment faut-il interpréter les réactions qu’elle a provoquées?
Cette affaire a commencé en avril 2022, lorsque le gouvernement a présenté l’une de ses plus grandes initiatives structurelles qui consistait à transformer le système politique électoral du pays en modifiant 18 articles de la Constitution dans le but de remplacer l’actuel Institut National Electoral (INE) par un nouvel organe appelé Institut National des Elections et des Consultations. Cette réforme, entre autres changements, réduit le nombre de circonscriptions pour l’élection des députés et des sénateurs et le nombre de municipalités.
Il s’agit bien là d’une initiative radicale si l’on considère le caractère imminent du processus électoral de 2024 qui décidera du nouveau président, mais qui verra aussi le renouvellement de la chambre des députés et du sénat, le renouvellement des gouverneurs des Etats, et le changement du gouvernement de la capitale, Mexico. C’est un processus crucial qui déterminera si le peuple donne son aval au projet de “Quatrième Transformation” lancé par AMLO. Cette réforme a impliqué un changement dans tout le système électoral qui s’est construit tout au long des dernières décennies.
L’INE est un organe autonome, indépendant du contrôle de la présidence et du gouvernement fédéral, et AMLO n’avait pas de majorité parlementaire pour approuver cette réforme. Alors, le gouvernement fédéral a décidé d’avancer dans la mise en œuvre d’un plan B : une réforme légale des lois concernant la question électorale, sans avoir à modifier la Constitution. De cette manière, l’INE serait réduit, en diminuant les nombre de postes administratifs, en supprimant le poste de secrétaire exécutif, en réduisant son gros budget et en procédant à d’autres changements concernant les campagnes électorales. Ce plan a été approuvé par les élus majoritaires du parti MORENA, à l’Assemblée, mais il a été combattu par l’INE et par les gouvernements des Etats de la Fédération. Ceci a provoqué un énorme débat.
En outre, à cette bataille juridique sont venues s’ajouter les mobilisations populaires rassemblées autour du slogan “pas touche à l’INE » qui ont rassemblé la quasi-totalité de l’opposition. À la suite de ces débats, la Cour Suprême de Justice de la Nation, il y a quelques jours, a déclaré recevable un recours contre ce plan B et tous les points de la réforme ont été suspendus en attendant que la Cour décide si ce plan B est conforme ou non à la Constitution. Ceci a été considéré comme une victoire de l’opposition. AMLO a critiqué cette décision de la Cour Suprême et il est à prévoir que la décision finale sera défavorable. On dit à présent que MORENA pourrait opter pour un “Plan C”, en utilisant le renouvellement d’un certain nombre de membres de l’INE, ce 4 avril prochain, pour que les nouveaux membres soient favorables à la réforme.
Aujourd’hui, on ignore encore qui sera le candidat de Morena aux prochaines élections présidentielles. Quels sont les pré-candidats qui se sont déclarés, quel est leur profil politique ? Et quelles sont les principales figures de l’opposition ?
En vérité, dans MORENA, il y a 5 candidats. Nous avons la cheffe du gouvernement de l’Etat de Mexico, Claudia Sheinbaum, le ministre des Affaires Étrangères, Marcelo Ebrard, le ministre de l’Intérieur, Adan Augusto Lopez, le président du groupe parlementaire de MORENA au Sénat, Ricardo Monreal, et, également, le député fédéral, Gerardo Fernandez Noroña.
Mais en fait, les 3 personnalités les plus citées par AMLO sont Sheinbaum, Ebrard et Adan Augusto.
La vision politique de ces trois personnes épouse le projet du président. Adam est plus actif en ce qui concerne les liens politiques au niveau national, des partis, et des acteurs de l’intérieur. Sheinbaum a un poids plus important parce qu’elle est à la tête du gouvernement de la capitale et Ebrard est leader en matière de politique internationale, il a été amené à relever plusieurs défis très intéressants dans ce domaine, comme par exemple le rôle du Mexique lors du coup d’État en Bolivie, le soutien à Cuba et les réponses du Mexique face aux critiques et mises en cause émanant de certains responsables et acteurs politiques des Etats-Unis.
Dans le camp de l’opposition, par contre, on a au moins 40 noms cités. C’est une mosaïque très vaste, mais la majorité d’entre eux sont anti-López Obrador et ils sont tous d’accord pour saborder les programmes les plus emblématiques du gouvernement actuel tel que l’aéroport international Felipe Angeles.
Même si sur certains points il a collaboré avec son puissant voisin du Nord (par exemple sur les problèmes qui se posent à la frontière), AMLO a toujours fermement défendu la souveraineté du pays. Alors que nous entrons dans la dernière ligne droite de son mandat, si l’on prend en compte certains épisodes comme la récente polémique sur la « sécurité », doit-on s’attendre à plus de tension/d’hostilité dans cette relation ?
Je dirais que nous devons nous attendre à des tensions avec certains acteurs et certaines entités nord-américaines, pas forcément entre les deux gouvernements. De fait, cette différence a été soulignée par AMLO lui-même. En effet, en dépit de certaines critiques émanant du Parti républicain ou du Département d’État, notre président insiste sur le fait que Biden a été respectueux envers le Mexique. Car, malgré les désaccords concernant L’Accord de libre-échange nord-américain, (ALENA en anglais et TLCAN en espagnol) ou bien la politique énergétique, AMLO a reçu, à de multiples reprises, l’ambassadeur des États-Unis au Mexique; il a reçu la visite de législateurs nord-américains et celle de l’envoyé spécial présidentiel pour le climat, John Kerry; et il a participé à des réunions au sommet concernant la sécurité et l’économie.
En fait, en janvier, c’est au Mexique que s’est tenu le dixième sommet des dirigeants des pays de l’Amérique du Nord et il existe un grand nombre de projets – dans le domaine de l’énergie et de la sécurité – où il y a une coopération avec le gouvernement nord-américain. Si une plus grande tension se fait sentir, ce sera probablement pour des raisons politico-électoralistes de la part des États-Unis, qui auront eux aussi leur propres élections l’an prochain. Le Parti républicain cherche toujours à utiliser le Mexique pour faire avancer son programme, c’est pourquoi AMLO a déclaré qu’il ne permettra pas que le Mexique soit le panier de friandises d’un jeu de piñata1 électoral et qu’il pourrait même porter plainte devant les Nations Unies.
1 La piñata, pinata ou pignata est un objet creux … que l’on remplit de sucreries ou de jouets et que l’on suspend …. Des enfants … essayent de casser la piñata afin de récupérer ce qu’elle contient. … La piñata qu’on connaît aujourd’hui vient du Mexique et, traditionnellement, elle est faite avec une forme humaine ou animale. [d’après Wikipédia]
Veines ouvertes / Grèves de l’ABC
La région industrielle ABC de São Paulo a été le théâtre d’une série de grèves impliquant la classe ouvrière brésilienne entre 1978 et 1980 pour la défense de meilleurs salaires et de l’autonomie syndicale.
Le 1er avril 1980, les travailleurs ont complètement paralysé les activités des usines, en particulier dans le secteur de la métallurgie. Les manifestations ont entraîné le développement du mouvement syndical et du Parti des travailleurs (PT), sous la direction du jeune Luis Inacio “Lula” da Silva.
Cette lutte des travailleurs a remporté d’importantes victoires et a été décisive dans l’affaiblissement de la dictature militaire au Brésil, qui a pris fin en 1985.
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Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne correspondent pas forcément à celle des membres de l’équipe de rédaction d’Investig’Action.
Traduit par Ines Mahjoubi, Manuel Colinas Balbona et Sylvie Carrasco. Relecture par Sylvie Carrasco.
Source : Investig’Action