Abdeljelil Dhahri invitait le 29 novembre dernier Michel Collon pour une conférence à Genève. Il nous témoigne du harcèlement dont lui et sa famille sont victimes pour avoir simplement donné la parole à des défenseurs des droits humains, opposés au génocide en cours en Palestine. Il est juriste-criminologue et expert dans le Projet Mirad (Lutte et prévention contre la radicalisation juvénile).
Vous nous avez fait part du harcèlement que vous subissez actuellement. Pour quels motifs êtes-vous attaqués?
Je dirige l’association Cri Voix des victimes, nous faisons partie de la coordination des organisations islamiques en Suisse. Depuis 2019, on a commencé à organiser des formations sur la géopolitique, des ateliers de lutte de prévention contre la radicalisation.
Puisque l’on s’intéresse à la protection et à l’acharnement contre les victimes, premièrement les victimes de guerre, depuis le 7 octobre on a critiqué les meurtres en masse contre les civils, sans considération de l’appartenance religieuse que ce soit des juifs, des chrétiens, des musulmans. On a sollicité la communauté internationale de réagir pour la protection des personnes civiles à Gaza.
Nous avons également participé activement à la coordination des activités de la société civile internationale dans des procédures juridiques pour tenir Israël comme responsable de crime de guerre. Nous avons organisé des séminaires d’information avec plusieurs spécialistes de la question palestinienne.
Nous avons travaillé activement à exiger que les structures européennes désignent légalement comme responsables les doubles nationaux qui ont participé au sein des forces israéliennes, à des meurtres d’enfants, de femmes et de malades. Nous sommes partie prenante dans l’opposition à la normalisation des crimes, des actes de guerre commis par le Israël.
Nous contestons la suspension de l’aide de l’UNRWA. Priver les Palestiniens de l’aide de l’UNRWA actuellement, avec ces circonstances pénibles pour la population, cela va exposer la population à des menaces de famine.
Comment ont commencé les intimidations que vous avez reçu ?
Le 20 janvier 2024 avec le colloque « Gaza une étude de cas sur le Génocide! ». Il y avait la participation de plusieurs spécialistes de renommée internationale comme Ilan Pappe, Jacques Baud, Christophe Oberlin. Depuis on a pas arrêté de recevoir des menaces physiques, des intimidations et messages d’insultes.
Même ma famille a été prise à partie. Une voisine pro sioniste a agressé ma famille, a agressé mes enfants verbalement, a essayé de s’introduire à notre domicile de force, et nous a qualifié de « sales arabes ». On a averti la police et la justice mais ils n’ont n’a pas donné suite.
Je m’interroge parce qu’aujourd’hui nous sommes en train de normaliser les violences contre les activistes. Chaque fois qu’on organise quelque chose qui n’est pas dans le sens de la vision dominante occidentale, par exemple au sujet de la guerre en Ukraine, on nous accuse d’inviter des gens qui soi-disant défendent la Russie. Mais il est important de donner la voix à d’autres personnes, faire des vrais débats contradictoires…
Chaque fois qu’on fait quelque chose on reçoit des menaces, du harcèlement. Je souhaite avertir la communauté internationale que ma sécurité physique et celle de ma famille est menacée. J’ai averti les instances européennes, les instances des Nations Unies chargées de la protection des personnes pour trouver une protection à ma famille.
C’est indigne aujourd’hui de permettre, de laisser faire des crimes de guerre contre la population palestinienne comme en Ukraine, en Russie, en Afghanistan, au Yémen, etc.
On continue et on continuera à défendre les Palestiniens malgré les menaces et le chantage.
Est-ce récent ces menaces contre vous, contre les combats que vous portez ?
Durant ma vie, j’ai toujours été exposée à des menaces. Auparavant, j’étais menacé même par l’État islamique, par des extrémistes, etc. Je suis un militant bien connu dans le domaine de lutte contre la radicalisation terrorise. Mais il y a en ce moment une intensification. Je reçois des messages sans arrêt, des mails, des appels inconnus. Ma femme a été agressée. Il y a des pressions pour nous faire partir de notre logement, alors que quelqu’un qui paie le loyer devrait être respecté, etc. Apparemment on ne veut pas des arabes ici, on ne veut pas de quelqu’un qui défend la Palestine. C’est du terrorisme intellectuel jamais vu, c’est un déclin moral auquel on assiste en Occident.
Ces personnes qui vous agressent sont issues de groupes constitués ?
La lâcheté n’a pas de visage, ce n’est pas à ma connaissance des groupes connus et organisés politiquement. Même des personnes que l’on reçoit à nos activités sont menacées. On nous dit que que c’est des actions antisémites alors qu’on reçoit des personnalités juives qui défendent l’humanité, qui défendent la cause palestinienne.
Vous êtes sur beaucoup de combats comme sur le Sénégal où la répression politique est très forte avec des milliers de personnes emprisonnées sans un mot de la « communauté internationale »…
Oui, je suis un militant des droits de l’homme. Je me bats contre la négation des droits et contre la censure, pour la dignité humaine. Si, quand vous critiquez les Etats-Unis ça veut dire que vous êtres pro-Russe, c’est qu’il y a une volonté d’étiquetage car ça n’a pas de sens. Cet étiquetage pratiqué par les médias mainstream participe beaucoup à légitimer cette violence contre les activistes. On ne traite pas les choses avec un sens analytique, avec de l’objectivité, ce qui devrait être la base du journalisme. Ils préfèrent exciter les gens avec leur propagande dominante dans le sens des gouvernements occidentaux.
Source : Investig’Action
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