Un certain nombre de faits, sans liens apparents, pourraient faire partie d'un puzzle de portée stratégique, mis en place par les Etats Unis, dans le but de changer la carte géostratégtique de l'Amérique Latine. Son épicentre est la Colombie, pays qui, à court et à moyen terme, pourrait devenir l'Israël de l'Amérique du Sud. Une des pièces maîtresses de ce projet: les Forces Armées Réolutionnaires de Colombie (FARC-EP).
Contre cette guérilla, dirigée par Manuel Mirulanda,"Tirofijo", sont dirigées les principales forces militaires du Plan Colombie, et son nouvel avatar, le Plan Patriote, tous deux financés, soutenus et pilotés par Washington. Le projet de réorganisation régional comprend, en plus, le Venezuela et l'Equateur, des nations productrices de pétrole comme la Colombie et la Bolivie, avec ses immenses richesses en gaz naturel. Mais l'objectif final est le Brésil, et, en particulier, la région de l'Amazonie.
C'est dans le cadre de ce scénario régional qu'il faut situer l'extradition vers les Etats Unis de Ricardo Ovidio Palmera, diplômé de l'Université de Harvard qui est devenu le commandant Simon Trinidad, de l'"Etat Major Central" des FARC. Le commandant insurgé fut détenu à Quito, en Equateur, au cours du mois de septembre 2004, durant une opération montée par la CIA,avec la collaboration des services secrets Colombiens et Equatoriens.
Après un procès en Colombie, le premier septembre de l'année passée, le président Alvaro Uribe ordonna son extradition vers les Etats Unis, où le juge Thomas Hogan l'inculpa de narcotraffic et de terrorisme. Dans le discours impérial, il s'agit, symboliquement, de la première extradition d'un narcotraffiquant.
Un autre fait parallèle fut la séquestration, à Caracas, de Rodrigo Grande, "Chancelier" des FARC, après sa participation au Congrés Bolivarien des Peuples. Grande fut capturé le 13 décembre par un commando des services spéciaux colombiens, spécialisé en opération clandestines. Au cours des jours suivants, des officiels Colombiens annoncèrent sa capture dans la ville de Cucuta. Selon le procureur général du Venezuela, Isaia Rodriguez, les séquestrateurs ont reçu l'appui de "polices vénézueliennes". Cette façon deprocéder rappelle les anciennes pratiques des dictateurs latino-américains et de leurs maîtres de la CIA, au temps de l'Opération Condor. Mais à la différence de cette coordination répressive dans le "Cône Sud", il s'agit ici d'un acte de provocation de la part du gouvernement d'Alvaro Uribe contre le Venezuela, dans le but de créer un conflit bilatéral; un scénario impulsé par Washington.
De nombreux faits s'inscrivent dans la deuxième phase du Plan Colombia. La Colombie a reçu plus de trois mille millions de dollars en aide U.S., surtout de l'équipement militaire pour combattre les FARC et l'ELN (Ejercito de Liberacion National)., lesquels furent inscrites en 2002 sur la liste des organisations "terroristes" dressée par le State Department des Etats Unis.
L'administration Bush a fait de l'armée Colombienne une des plus grandes (280.000 hommes) et des mieux équipées de l'Amérique Latine: 80 hélicoptéres Black Hawk et Huey 1 et 2, avions de transport C-130 et DC 3, navires de guerre, radars, détecteurs nocturnes et équipements informatisés, ajoutant, à la présence sur place des conseillers du Pentagone la"sous-traitance" de 800 mercenaires chargés des tâches de la saleguerre de contre-insurgence. De plus, des soldats US défendent l'infrastructure pétrolière de Colombie,comprenez les intérêts de la compagnie US Occidental Petroleum.
Au cours des derniers mois, l'armée colombienne et ses conseillers du Pentagone ont mis en place l'encerclement progressif des départements de Guaviare, Meta, Caquéta et Putumayo, avec pour objectif de concentrer les forces des FARC dans un périmètre et de les exterminer.
Mais, tirant les leçons dela guerre du Vietnam, la guerilla s'est éparpillée, et ses forces se sont fondues dans la jungle amazonienne en une guerilla fantôme, invisible pour les avions et les hélicoptères espions U.S.
Il est évident que si les FARC étaient une narcoguerilla, ils auraient réagi avec des missiles pour mener un autre type de guerre.
En développant cette stratégie, Washington a mis en oeuvre son objectif:
internationaliser le conflit interne colombien. Dans les visées du Pentagone, l'Ecuador joue maintenant le rôle de l'"enclume" du "marteau" stratégique U.S./Colombie contre les FARC et l'ELN. Avec l'Ecuador comme "enclume",la "pince chirurgicale contre-insurectionnelle" garantit la protection de la frontière de la Colombie, le même rôle qu'a joué le Cambodge durant la guerre du Vietnam et le Honduras au cours du conflit entre El Salvador et le Nicaragua.
Mais Washington est à découvert sur le flanc nord-est, la frontière avec le Vénézuela de Chavez. Le plan qui avait pour objectif d'implanter une force "contra" au Venezuela a volé en éclats. La sécurité vénézuelienne a découvert 55 paramilitaires colombiens dans une hacienda de La Mata appartenant au dirigeant de la Coordinadora Democratica, Roberto Alonso. Ils découvrirent qu' "ils allaient recevoir des armes et être dirigés vers différents endroits (du Venezuela)".
Mais Hugo Chavez a su faire preuve de prudence pour désactiver la provocation. Aujourd'hui, la séquestration de Granda à Caracas, avec la violation flagrante de la souveraineté vénézuélienne par les agents des services secrets colombiens, vise à générer une tension bilatérale, avec l'espoir que le président vénézuélien commettra une erreur et que l'on pourra faire escalader le conflit; ce qui pourrait potentiellement permettre une intervention des Etats Unis au Vénézuela, et renforcerait leur position militaire dans la région vénézuélienne.
Article tiré de La Jornada.
(traduction pour notre site : Maurice Flandre)