La police a agressé de nombreux syndicalistes avant d’arrêter le président et secrétaire général du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU).
La police a arrêté des centaines de syndicalistes et de militants dans tout le Zimbabwe jeudi dernier [11 octobre] juste avant une manifestation projetée pour protester contre la dégradation rapide de la situation économique du pays et la hausse des prix. Kumvirai Mafunda, porte-parole des Avocats pour les droits de l’homme au Zimbabwe, a déclaré à l’AFP que la police avait arrêté des membres du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) dans les villes de Harare, Mutare et Masvingo. Le président du ZCTU, Peter Mutasa, et le secrétaire général du ZCTU, Japhet Moyo, étaient parmi les personnes arrêtées.
La Confédération syndicale internationale (ITUC) a condamné l’arrestation et le passage à tabac des deux dirigeants syndicaux et de 33 autres syndicalistes, appelant à leur libération immédiate. Dans une déclaration, Sharon Burrow, secrétaire générale de l’ITUC, tout en exigeant la libération des syndicalistes, a demandé que les coupables des agressions soient punis conformément à la loi. Elle a déclaré que le comportement de la police sous le gouvernement actuel du président Mnangagwa était semblable à celui du régime brutal de l’ancien président Robert Mugabe.
La ZCTU avait prévu d’appeler à la grève nationale contre ces mesures, y compris contre une nouvelle taxe de 2% sur les transactions électroniques. Selon un reportage de News24, les manifestants projetaient également d’attirer l’attention sur les pénuries quotidiennes de produits de première nécessité comme le pain, l’essence, les médicaments, etc. S’adressant aux journalistes peu avant son arrestation, Mutasa a déclaré : « Nous manifestons pacifiquement contre les privations. Nous sommes ici pour faire savoir aux autorités que les Zimbabwéens souffrent. »
Les syndicats ont maintenu leur projet malgré l’interdiction des rassemblements publics imposés par la police dans la capitale, invoquant une épidémie de choléra. Un nombre exceptionnel de policiers patrouillaient dans les rues, armés de matraques, de pistolets et de bombes lacrymogènes, selon le site d’information Timeslive. On a aussi vu des camions à eau stationnés dans quelques rues. Newsday a rapporté que des groupes de policiers ont été vus en train de passer à tabac des membres du ZCTU dans les bureaux du syndicat à Harare, juste avant d’arrêter son président et secrétaire général. Vingt militants syndicaux ont également été arrêtés dans la ville de Mutare, dont le directeur régional du ZCTU Tenson Muchefa et le vice-président du Syndicat des journalistes du Zimbabwe (ZUJ) Dickson Chaeruka. À Masvingo, douze militants ont été arrêtés pour n’avoir pas obéi aux ordres d’interdiction.
Plus tard dans la journée de jeudi, un magistrat de Harare a confirmé l’interdiction par la police des protestations et des manifestations. Dans sa décision, le juge Lanzani Ncube a invoqué l’épidémie de choléra parmi les raisons. Cinquante personnes sont mortes et 10 000 sont tombées malades à la suite de la propagation de la maladie. Le juge a aussi relevé que la protestation des syndicats pourrait devenir violente à mesure que le mécontentement grandit au sein de la population du Zimbabwe.
La presse locale a rapporté qu’on voyait de très longues queues dans les stations à essence et devant les magasins qui s’efforcent de remplir leurs rayons avec des produits frais. La valeur de la monnaie locale a également chuté dramatiquement, faisant craindre une hyperinflation dans le pays. De nombreux syndicalistes et militants ont accusé le président actuel, Emmerson Mnangagwa, de soutenir les politiques néolibérales favorables aux grandes entreprises et d’essayer de les mettre en œuvre. Nelson Chamisa, le dirigeant du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a averti que le pays risquait de revenir à l’ère de l’ancien président Robert Mugabe, tristement célèbre pour sa répression brutale et sa corruption massive. Le président Emmerson Mnangagwa a pris le pouvoir l’an dernier après l’éviction de Mugabe par l’armée du Zimbabwe dans un coup d’État. Il s’est engagé à garantir l’accessibilité des biens de première nécessité.
Image : La police anti-émeute malmène un membre du ZCTU devant les bureaux de l’organisation au centre de la ville de Harare.
Traduit de l’anglais par Diane Gilliard pour Investig’Action
Source : People Dispatch