A quelques jours des élections présidentielles prévues le 29 mai, la tension est palpable en Colombie où la gauche a rarement été si proche de l’emporter. Les sympathisants de Gustavo Petro, le candidat de la gauche, sont partagés entre l’enthousiasme et la peur alors que leur candidat est menacé de mort. Face à une possible victoire de la gauche, la droite le plus féroce d’Amérique Latine ne ménage pas ses efforts pour empêcher toute dynamique populaire et sociale.
Daniel Mendoza Leal, avocat et journaliste réfugié en France, appelle la France à protéger le candidat à la présidence Gustavo Petro. La Colombie est-elle vraiment sous la menace d’un coup d’État ?
Je crois que nous sommes sous la menace d’un coup d’État, qui s’est aggravée ces dernières semaines, et qui est devenue évidente dans le contexte de la grève armée des Autodefensas Gaitanistas de Colombia et du Clan del Golfo. Il est nécessaire de démontrer que ces groupes armés répondent à la logique des groupes paramilitaires, et que leur persistance et leur renforcement dans les territoires est une conséquence du non-respect de l’Accord de Paix. Dans le scénario de la grève armée, on peut entrevoir la collusion entre les forces de sécurité et ces groupes paramilitaires, ainsi que la stratégie dite du “coup d’état sec”, qui consiste en l’absence totale de réponse des forces militaires face aux actions de ces groupes. De même, on craint une attaque violente contre Gustavo Petro, ainsi qu’une tentative de fraude électorale par la manipulation des résultats dans les urnes, comme cela a été le cas lors des dernières élections législatives.
Dans le même temps, un tribunal de Bogota a acté fin avril le jugement de l’ancien président et chef du parti au pouvoir Álvaro Uribe, pour accusations de corruption et de subornation de témoins. Y a-t-il une réelle chance qu’il soit jugé, étant donné le pouvoir qu’il a gardé?
En effet, l’ancien président Uribe s’est distingué par l’influence qu’il exerce. Il a également organisé une cooptation des organes de justice et de contrôle par le parti au pouvoir, qui est le parti dirigé par l’ancien président Uribe. Malgré tout je crois que les Colombiens ont encore confiance dans le fait qu’il sera jugé dans le cadre d’un processus qui, bien qu’il y ait eu des tentatives de le paralyser et même de l’abandonner, sera maintenu.
Quelle est la situation concernant les accords de paix ? Il semble que la droite tente de pourrir la situation d’une manière démesurée. Quels sont les intérêts étrangers dans le pourrissement de cette situation ?
Le gouvernement d’Iván Duque et son parti au pouvoir ont mis en œuvre une stratégie consistant à simuler la mise en œuvre de l’accord de paix face à la coopération internationale et aux pays garants de l’accord. Les progrès dans la mise en œuvre de l’accord sont minimes, et le gouvernement a même utilisé des ressources destinées à l’accord de paix pour aggraver le conflit, comme il l’a fait avec les soi-disant “zones d’avenir” qui font partie de son plan gouvernemental de “paix dans la légalité”, qui n’est rien d’autre que la militarisation accrue des territoires et la persécution militaire du mouvement social. C’est précisément dans plusieurs de ces “zones d’avenir” où la présence militaire a été renforcée que les cas d’assassinats de dirigeants et de défenseurs des droits de l’homme, ainsi que les massacres, se sont multipliés. De même, les derniers mois de ce scénario électoral ont vu une recrudescence de la violence, encore plus importante que celle vécue pendant le mandat de l’actuel gouvernement.