Georges Ibrahim Abdallah assiste à une cérémonie marquant le premier anniversaire de l’assassinat par Israël du leader du mouvement chiite libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah (AFP)

3 jours au Liban

A l’invitation de Georges Ibrahim Abdallah des délégations se sont retrouvées à Beyrouth les 24, 25 et 26 octobre derniers pour « le congrès de la résistance ».

C’était un moment attendu. 3 mois après sa libération et coïncidant avec l’anniversaire de son arrestation 41 ans plus tôt, ce rendez-vous à Beyrouth serait, nous en étions toutes et tous sûrs, un grand moment. Cette année nous n’irions pas à Lannemezan, c’est chez lui que nous retrouverions Georges.

Georges devenu le père de la nation, que tout un pays reconnaissant ne cesse de célébrer et qui continue, comme du fond de sa prison, avec sa lucidité et la pertinence de ses analyses, à haranguer, à bousculer, à appeler à l’action, contre la barbarie capitaliste, l’impérialisme son prolongement et le sionisme son instrument ici au Moyen Orient.

Banlieue sud de Beyrouth (AFP)

Nous sommes donc partis pour 3 jours de découvertes, de rencontres et d’échanges. Nous ? Délégations venues de France, Belgique, Grande Bretagne, Turquie… En tout environ 80 personnes au plus fort moment, accueillis par des Libanais extrêmement gentils, prévenants et très bien organisés pour que ce séjour se passe le mieux possible.

Vendredi matin 24 octobre, nous y retrouvons nombre de visages connus lors des manifs devant la prison au point que cela nous fait penser à un rendez-vous à Lannemezan… À peine arrivés, le temps de poser nos bagages à l’hôtel où nous logeons tous, nous nous rendons au cimetière où sont enterrés les corps des massacrés du camp de Sabra et Chatila. Un terrain où s’entassent les tombes des victimes de ces heures d’horreur, au point que nous avons du mal à marcher sur les passages étroits ménagés entre les pierres tombales, témoins de la haine sioniste, qui fit arriver dans cette nuit maudite de 1982, des cohortes de soldats israéliens et de phalangistes libanais massacrer dans ce camp 3000 hommes, femmes, enfants surpris dans leur sommeil. Ceci avec la bénédiction des forces françaises et étasuniennes chargées en principe d’assurer la sécurité du camp.

Moment d’émotion en particulier lorsque Georges prend la parole puis lorsque c’est au tour de Jacques Marie Bourget, témoin des faits et auteur du livre « Sabra et Chatila, au cœur du massacre ». 43 ans après les plaies sont encore vives et l’émotion étrangle les mots de Jacques… Sur les tombes, parfois de photos d’enfant, de jeune fille…

Au cimetière de Sabra et Chatila

Sur le chemin du retour nous nous arrêtons devant la statue érigée en mémoire de Georges Hawi, ancien secrétaire général du parti communiste libanais, assassiné par une bombe placée sous sa voiture. Forêt de drapeaux libanais siglés de la faucille et du marteau et dépôt de fleurs rouges au pied du monument…

Le soir à l’hôtel, Georges demande à voir quelques-uns d’entre nous et la conversation prend un ton plus intime et s’éloigne quelque peu des discours politiques. Nous nous enquerrons de sa santé et des conditions de son retour à une vie hors des murs, mais pas pour longtemps, Georges revenant vite sur la lutte collective devant laquelle il s’efface…

Le lendemain a lieu le symposium, point d’orgue des 3 jours, empli d’interventions riches. Georges intervient dans les premiers : c’est bien sûr l’intervention la plus attendue. Elle renvoie à l’humain et ces enfants marqués par la guerre quand elle ne les a pas tués, elle renvoie à la lutte et à notre devoir d’internationalistes pour la paix. Une paix juste pour qu’elle soit durable, une paix qui suppose la décolonisation et le libre choix des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il serait vain ici de vouloir faire un compte-rendu exhaustif de cette si dense journée où se succèdent des combattantes et combattants de la résistance palestinienne, des spécialistes divers : juristes, analystes politiques, l’avocate libanaise de Georges et bien sûr son avocat français du temps où il était en prison, dirigeants de l’opposition libanaise, diverse et unie et des membres des délégations étrangères engagés dans le combat pour la libération de Georges. De toutes les prises de paroles, en particulier libanaises, si on ne devait retenir qu’une chose, ce serait celle-ci : la résistance libanaise laïque ou religieuses, est profondément unie dans sa diversité et dans son combat, Palestine et Liban sont indissociables.

Le Liban est un pays qui vit non seulement avec les cicatrices encore fraiches de la guerre, mais celle-ci n’a pas cessé. Aujourd’hui encore et en dépit de cessez le feu signé le 27 novembre 2024, Israël occupe le sud du pays, des drones sillonnent le ciel de tout le pays du Nord au Sud et des tirs d’artillerie continuent de tuer. Ainsi, le dimanche 26 lendemain du symposium, alors que nous visitions le site historique de Baalbek situé au Nord du pays, une bombe a frappé une voiture tuant chauffeur et passagers, à 10mn de là où nous étions. Pas une erreur ou un hasard, mais une cible que l’entité sioniste a décidé d’éliminer selon des critères connus d’elle seule sans aucun souci des personnes alentour et au mépris de tout droit international.

Nous sommes allés à l’endroit où a été assassiné Hassan Nasrallah. Pour tuer sa cible Israël n’a pas hésité à lancer, au cœur d’un quartier résidentiel, 85 tonnes de bombes (états-uniennes) provoquant des centaines de morts, détruisant complètement 6 immeubles avoisinants et rendant inhabitables d’autres qui portent encore les marques de l’explosion et de sa violence… Au vu de la façon dont les médias en ont parlé chez nous, on se dit qu’il y a vraiment des civils qui comptent moins que d’autres…

Un cratère de 30 mètres de diamètre entourés d’immeubles fracturés

Notre séjour s’est achevé par un repas avec nos camarades du LCP (Lebanon Communist Party), repas rassemblant encore des membres de toute la résistance libanaise. C’est bien cette unité qui caractérise la résistance présentée en France comme celle d’une seule force, celle du Hamas en Palestine et celle du Hezbollah au Liban. Rien n’est plus faux et au-delà des portraits omniprésents et de toutes dimensions de Nasrallah dans les rues et aux balcons de Beyrouth et d’ailleurs, c’est bien la résistance qui unit le pays. Il n’y avait qu’à voir pour s’en convaincre dès l’aéroport et sur les trottoirs de la ville, les réactions de la population à la vue de nos keffiehs… Si le Liban et la Palestine ont un avenir il est là : dans cette résistance qui a pour référence, le Vietnam et l’Algérie, et qu’aucune bombe ne pourra faire taire.

Sous un arche de Baalbek

Tahia Palestine ! (Vive la Palestine !)


Source : Rouge Midi

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